En seulement cinq ans, le géant des boissons énergisantes Red Bull a
transformé à coups de millions un petit club moribond de la banlieue de
Leipzig en locomotive controversée du football de l'ancienne Allemagne
de l'Est.
Installé en haut de tableau de la deuxième division
allemande, le RB Leipzig est un candidat sérieux à la montée dans
l'élite, où aucun club de l'est n'a pointé son nez depuis la relégation
de Cottbus en 2009.
Dans un entretien en juillet à l'agence
sportive allemande SID, filiale de l'AFP, le patron de Red Bull,
l'Autrichien Dietrich Mateschitz, évoquait même déjà un futur titre de
champion d'Allemagne!
L'ascension du RB Leipzig débute en 2009.
Après trois années de prospectives dans la région, la marque aux deux
taureaux acquiert le SSV Markranstädt, petit club de la banlieue de
Leipzig qui végétait dans les limbes de la 5e division (amateurs).
Objectif:
professionnaliser l'équipe et intégrer la première division allemande,
la Bundesliga, à l'image d'Hoffenheim (sud-ouest), propriété d'un
milliardaire allemand, qui s'est extirpé des championnats locaux pour
intégrer l'élite en 2008.
Déjà présent dans le foot, comme à
Salzbourg (Autriche) ou New York, le groupe imprime sa marque à Leipzig :
le Zentralstadion (44.000 places) est rebaptisé Red Bull Arena, le SSV
Markranstädt devient le RasenBallsport Leipzig, ou RB Leipzig. Comme la
Fédération allemande (DFB) proscrit le "naming" pour les clubs,
impossible d'envisager un "Red Bull Leipzig". Mais les initiales "RB"
renvoient opportunément à la marque et le site internet du club évoque
les "Roten Bullen" ("Taureaux rouges")...
Red Bull abonde le budget de l'équipe, estimé à une trentaine de
millions d'euros actuellement. Le groupe aurait aussi injecté 35
millions dans un centre d'entraînement. Ces chiffres évoqués dans la
presse ne sont pas confirmés par le club, qui a dit à l'AFP ne pas
vouloir communiquer sur les questions financières.
En deuxième division, le budget moyen oscille entre 15 et 20 millions d'euros.
L'injection d'argent a jusqu'ici produit le résultat sportif attendu.
Sur
le papier, l'histoire est belle : le Petit Poucet, en passe de se
frotter aux ogres de l'Ouest, se rêve en "phare de l'Est", selon le mot
d'un dirigeant du club, Ulrich Wolter, à l'hebdomadaire Sport-Bild. Le
club ambitionne de redonner des couleurs à un foot est-allemand en
pleine grisaille, toujours sous-représenté dans l'équipe nationale, 25
ans après la chute du Mur.
Le scénario semble convenir aux
supporteurs du RB, ravis des succès de leur équipe. Ils étaient plus de
15.000 en moyenne à assister aux matches à domicile la saison passée...
en 3e division.
Cette réussite passe nettement moins bien auprès
des fans de clubs adverses, à l'Est comme à l'Ouest. L'Union Berlin et
l'Eintracht Braunschweig, allergiques au modèle économique de Red Bull,
lui mènent la vie dure: appels au boycott, quart d'heure de silence des
supporters pendant les rencontres...
En mars, le club a même été
qualifié de "gifle retentissante pour la culture du football" par
11Freunde, magazine de foot allemand.
En façonnant un club quasiment ex nihilo, le N.1 mondial des
boissons énergisantes a heurté la sensibilité "des fans traditionnels"
qui voient en Leipzig une "machine marketing" et une "menace" pour la
culture et la tradition du football, a expliqué à l'AFP Peter Rohlmann,
spécialiste en marketing du sport.
Le foot est un marché colossal
pour Red Bull, souligne l'expert. Adossé à un groupe qui brasse un
chiffre d'affaires de 5 milliards d'euros (2013), le RB "met la barre
très haut" sur le plan du sponsoring pour des entreprises est-allemandes
toujours à la traîne de leurs voisines de l'Ouest.
Sollicité par
l'AFP, le RB Leipzig dit ne pas commenter les critiques. Dans
l'entretien accordé au SID, M. Mateschitz les circonscrit à "quelques
clubs" ou "quelques médias". Et début octobre, Matthias Sammer a volé au
secours du club : dans un entretien à la radio NDR info, le premier
joueur de RDA à avoir intégré la Mannschaft réunifiée a salué le RB
comme un vecteur d'emplois pour la région.
"Je ne crois pas que ce
soit un modèle à suivre (...) Red Bull est une exception", tempère
pourtant Peter Rohlmann, qui pointe le danger, pour un club, d'avoir un
sponsor unique. "C'est un très grand risque : s'il se retire, le club
disparaît".
(AFP)
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