jeudi 23 octobre 2014

RB Leipzig ou l'ascension du capitaliste Red Bull dans le foot d'ex-RDA

En seulement cinq ans, le géant des boissons énergisantes Red Bull a transformé à coups de millions un petit club moribond de la banlieue de Leipzig en locomotive controversée du football de l'ancienne Allemagne de l'Est.

Installé en haut de tableau de la deuxième division allemande, le RB Leipzig est un candidat sérieux à la montée dans l'élite, où aucun club de l'est n'a pointé son nez depuis la relégation de Cottbus en 2009.
Dans un entretien en juillet à l'agence sportive allemande SID, filiale de l'AFP, le patron de Red Bull, l'Autrichien Dietrich Mateschitz, évoquait même déjà un futur titre de champion d'Allemagne!
L'ascension du RB Leipzig débute en 2009. Après trois années de prospectives dans la région, la marque aux deux taureaux acquiert le SSV Markranstädt, petit club de la banlieue de Leipzig qui végétait dans les limbes de la 5e division (amateurs).
Objectif: professionnaliser l'équipe et intégrer la première division allemande, la Bundesliga, à l'image d'Hoffenheim (sud-ouest), propriété d'un milliardaire allemand, qui s'est extirpé des championnats locaux pour intégrer l'élite en 2008.
Déjà présent dans le foot, comme à Salzbourg (Autriche) ou New York, le groupe imprime sa marque à Leipzig : le Zentralstadion (44.000 places) est rebaptisé Red Bull Arena, le SSV Markranstädt devient le RasenBallsport Leipzig, ou RB Leipzig. Comme la Fédération allemande (DFB) proscrit le "naming" pour les clubs, impossible d'envisager un "Red Bull Leipzig". Mais les initiales "RB" renvoient opportunément à la marque et le site internet du club évoque les "Roten Bullen" ("Taureaux rouges")...
Red Bull abonde le budget de l'équipe, estimé à une trentaine de millions d'euros actuellement. Le groupe aurait aussi injecté 35 millions dans un centre d'entraînement. Ces chiffres évoqués dans la presse ne sont pas confirmés par le club, qui a dit à l'AFP ne pas vouloir communiquer sur les questions financières.
En deuxième division, le budget moyen oscille entre 15 et 20 millions d'euros.
L'injection d'argent a jusqu'ici produit le résultat sportif attendu.
Sur le papier, l'histoire est belle : le Petit Poucet, en passe de se frotter aux ogres de l'Ouest, se rêve en "phare de l'Est", selon le mot d'un dirigeant du club, Ulrich Wolter, à l'hebdomadaire Sport-Bild. Le club ambitionne de redonner des couleurs à un foot est-allemand en pleine grisaille, toujours sous-représenté dans l'équipe nationale, 25 ans après la chute du Mur.
Le scénario semble convenir aux supporteurs du RB, ravis des succès de leur équipe. Ils étaient plus de 15.000 en moyenne à assister aux matches à domicile la saison passée... en 3e division.
Cette réussite passe nettement moins bien auprès des fans de clubs adverses, à l'Est comme à l'Ouest. L'Union Berlin et l'Eintracht Braunschweig, allergiques au modèle économique de Red Bull, lui mènent la vie dure: appels au boycott, quart d'heure de silence des supporters pendant les rencontres...
En mars, le club a même été qualifié de "gifle retentissante pour la culture du football" par 11Freunde, magazine de foot allemand.
En façonnant un club quasiment ex nihilo, le N.1 mondial des boissons énergisantes a heurté la sensibilité "des fans traditionnels" qui voient en Leipzig une "machine marketing" et une "menace" pour la culture et la tradition du football, a expliqué à l'AFP Peter Rohlmann, spécialiste en marketing du sport.
Le foot est un marché colossal pour Red Bull, souligne l'expert. Adossé à un groupe qui brasse un chiffre d'affaires de 5 milliards d'euros (2013), le RB "met la barre très haut" sur le plan du sponsoring pour des entreprises est-allemandes toujours à la traîne de leurs voisines de l'Ouest.
Sollicité par l'AFP, le RB Leipzig dit ne pas commenter les critiques. Dans l'entretien accordé au SID, M. Mateschitz les circonscrit à "quelques clubs" ou "quelques médias". Et début octobre, Matthias Sammer a volé au secours du club : dans un entretien à la radio NDR info, le premier joueur de RDA à avoir intégré la Mannschaft réunifiée a salué le RB comme un vecteur d'emplois pour la région.
"Je ne crois pas que ce soit un modèle à suivre (...) Red Bull est une exception", tempère pourtant Peter Rohlmann, qui pointe le danger, pour un club, d'avoir un sponsor unique. "C'est un très grand risque : s'il se retire, le club disparaît".

(AFP)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Journaliste spécialisé dans l'actualité sportive, j'ai collaboré, entre autres, à So Foot, Libération, Radio France Internationale. Aujourd'hui, je suis particulièrement les politiques sportives au plan national et dans les collectivités locales pour Localtis.