jeudi 14 janvier 2016

Administration déconcentrée Jeunesse et Sports : toutes les régions ne sont pas logées à même enseigne

Un décret du 30 décembre 2015 définit l'organisation et les compétences des nouvelles directions régionales et départementales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRDJSCS) créées dans le cadre de la réforme des services déconcentrés de l'Etat et du nouveau découpage régional.
Ces nouveaux services sont placés sous la responsabilité d'un directeur régional et départemental. A ses côtés, un directeur départemental délégué est chargé des compétences départementales. Le décret indique que le niveau de mise en œuvre des compétences "est clairement identifié entre la région dont le rôle stratégique est conforté, et le département, niveau privilégié de l'action de proximité".
Dans le domaine du sport, le niveau régional est ainsi chargé de mettre en œuvre la politique nationale du sport de haut niveau et du sport professionnel, et d'apporter son concours au préfet de région pour la mise en œuvre des missions du Centre national pour le développement du sport (CNDS) dans la région, notamment en assurant le secrétariat de la commission territoriale. C'est encore le niveau régional qui élabore le schéma régional de développement du sport en concertation avec les acteurs du territoire, et qui organise la lutte antidopage.

Fusion dans les chefs-lieux de région

La lecture du texte peut cependant laisser perplexe : ces nouvelles DRDJSCS, créées par la fusion de la direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS), et de la direction départementale de la cohésion sociale (DDCC) du département du siège de la direction, ne verront le jour que dans huit des treize nouvelles régions (voir liste plus bas).
Cette réorganisation qui crée une organisation déconcentrée à plusieurs vitesses est d'abord étonnante parce qu'elle ne colle pas avec la lettre de mission adressée par le Premier ministre aux chefs des inspections générales de l'Administration, des Affaires sociales et de la Jeunesse et des Sports, dont le rapport sur les missions et organisation des DRJSCS et DDCS est présenté ce jeudi 14 janvier par Patrick Kanner, ministre de la Jeunesse et des Sports. En effet, il était question à l'origine de regrouper DRJSCS et DDCS du département siège de la direction partout sauf en Corse et en Ile-de-France. L'objectif étant de réaliser des gains d'effectifs au profit du département siège de la direction et de mutualiser les fonctions supports.
Le document de référence de septembre 2015 prévoyait par ailleurs d'établir dans les régions qui ont fusionné des antennes de la direction régionale situées dans les anciens chefs-lieux de région, soit pour assurer une proximité de service, soit pour assurer des activités spécialisées. A titre d'illustration, depuis le 1er janvier 2016, date d'entrée en vigueur du décret, les DRJSCS d'Aquitaine, du Limousin et de Poitou-Charentes et la DDCS de Gironde constituent un service unique : la DRDJSCS. Celle-ci comprend un siège à Bordeaux, un site départemental en Gironde et deux sites régionaux à Limoges et Poitiers.

Quatre scénarios d'administration déconcentrée

Si l'on fait le compte, la France compte désormais quatre types d'organisation déconcentrée de niveau régional en matière d'administration de la Jeunesse, des Sports et de la Cohésion sociale. L'Ile-de-France et la Corse forment un premier groupe, conservant leur ancienne organisation. Le deuxième cas de figure est celui des départements et régions d'outre-mer où est créé une direction de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale. Le troisième cas de figure concerne les régions mentionnées en annexe du décret du 30 décembre 2015, où la direction régionale et la direction départementale du département siège de la direction fusionnent. Enfin, ce même décret précise que dans les régions constituées par regroupement de plusieurs régions autres que les régions figurant en annexe, la direction régionale est créée par fusion des directions régionales préexistantes. En l'occurrence, il s'agit des régions Nord-Pas-de-Calais-Picardie et Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon, qui auront de plus la particularité de voir le siège de la nouvelle direction régionale située hors du chef-lieu de région. Amiens et Montpellier ont en effet été choisies pour accueillir le service déconcentré.
Lors des différentes réunions préparatoires à la réforme, aucune explication n'a été donnée pour justifier ces choix. Du côté des syndicats du ministère de la Jeunesse et des Sports, on pense connaître la raison. Pour Jean-Marc Grimont, secrétaire fédéral Sgen-CFDT, cela procède de "lobbies qui ont fait valoir leurs points de vue. Le lobby préfectoral et celui des directeurs des services ont fortement œuvré pour préserver les postes"" Même son de cloche pour Patrice Weisheimer, secrétaire général du SEP-Unsa : "Il y a eu des tractations en coulisses entre élus locaux et préfets, le tout étant remonté sur des arbitrages à Matignon. Dans cette réforme territoriale, chacun a ses intérêts, et les intérêts des élus locaux étaient de ne pas trop perdre de fonctionnaires." L'illustration de ces intérêts locaux étant les cas d'Amiens et Montpellier, conservant une direction régionale, "pour que les territoires ne deviennent pas des déserts", selon Patrice Weisheimer.

Des équipes "Manpower" ?

Au-delà du choix des sites, les personnels Jeunesse, Sports et Cohésion sociale sont préoccupés par les mobilités qui pourraient résulter de cette réorganisation. Mobilité géographique d'abord : "Le décret publié ne permet pas d'acter l'absence de mobilité géographique forcée. Demain, par exemple dans la région Grand Est, un simple arrêté préfectoral pourrait regrouper à Strasbourg les effectifs de Châlons-en-Champagne et Nancy", s'inquiète Patrice Weisheimer.
Côté mobilité fonctionnelle, le paysage n'est pas plus apaisé. "Sur les missions, il y a une incertitude forte concernant l'interdépartementalité. En off, on nous a dit que certains personnels deviendraient des équipes 'Manpower' travaillant sur la préparation de l'Euro de football pendant un mois, passant six mois plus tard à une opération jeunesse dans les Ardennes. Le risque est de faire faire n'importe quoi à n'importe qui", s'alarme Patrice Weisheimer. Pour Jean-Marc Grimont, "il est déstabilisant pour un agent de changer de mission du jour au lendemain sans un accompagnement adapté en matière de formation. Or les services ont des moyens limités pour accompagner cette réforme". Et Patrice Weisheimer de conclure : "Nous sommes sur un conflit majeur et cette réforme n'est pas terminée."

Jean Damien Lesay
 
Régions dotées d'une direction régionale et départementale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRDJSCS) :
Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine ; Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes ; Auvergne-Rhône-Alpes ; Bourgogne-Franche-Comté ; Centre-Val de Loire ; Normandie ; Pays de la Loire ; Provence-Alpes-Côte d'Azur.
Départements pour lesquels les DRDJSCS ont compétence départementale :
Bas-Rhin ; Gironde ; Rhône ; Côte-d'Or ; Loiret ; Seine-Maritime ; Loire-Atlantique ; Bouches-du-Rhône.
 
(Localtis)

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Journaliste spécialisé dans l'actualité sportive, j'ai collaboré, entre autres, à So Foot, Libération, Radio France Internationale. Aujourd'hui, je suis particulièrement les politiques sportives au plan national et dans les collectivités locales pour Localtis.