mardi 29 mars 2016

Arielle Piazza : "L'argent public n'a pas sa place à 100% dans les grands équipements sportifs"

Les troisièmes Assises du droit du sport se tiennent les 31 mars et 1er avril à Bordeaux. La première de ces deux journées sera consacrée à un sujet qui intéresse les collectivités territoriales : construire et exploiter les équipements sportifs. Parmi les intervenants, Arielle Piazza portera la voix des collectivités. L'adjointe au maire de Bordeaux chargée des sports et vice-présidente de l'Andes (Association nationale des élus en charge du sport) apporte en avant-première son éclairage pour Localtis.

Localtis - La table ronde à laquelle vous allez participer lors de ces assises s'intitule "Maîtrise d'ouvrage publique, maîtrise d'ouvrage privée des équipements sportifs en France : un modèle au milieu du gué". Où se situe l'Andes dans ce débat ?
Arielle Piazza - La position de l'Andes est claire. Nous voulons que les collectivités, qui portent déjà beaucoup de choses, ne soient pas impliquées dans les systèmes juridiques ou financiers de construction d'équipements, mais que l'on favorise les garanties d'emprunt via la BPI ou la Caisse des Dépôts. Nous pensons encore qu'on pourrait intégrer plus facilement le cofinancement des grands équipements sportifs dans la compétence des métropoles et des régions. C'est d'ailleurs ce qui va se produire chez nous, à Bordeaux, pour les équipements d'intérêt métropolitain. Une autre solution consiste à flécher une partie des droits audiovisuels du sport professionnel. Il faut que les recettes issues des médias participent à l'investissement, à hauteur de 5 ou 10%.
La notion d'intérêt général est-elle encore présente dans l'investissement en faveur d'équipements destinés au sport professionnel ?
Cela dépend de la façon dont on veut exploiter le stade. A Bordeaux comme à Lille, on a de la culture, avec de grands concerts, on a aussi intégré des affiches de rugby. L'intérêt général est d'y voir une exploitation multifonctions intéressant le grand territoire. Une grande enceinte, ce sont aussi des grands moments de sport professionnel, avec par exemple les phases finales du Top14 de rugby, ce qui permet de délocaliser de grands moments sportifs nationaux. L'équipement est aussi une composante de l'attractivité territoriale. On a l'exemple de l'Euro de football qui permet de travailler sur plusieurs secteurs économiques. La question est plutôt de savoir si une ligue professionnelle bénéficiant de l'exclusivité d'usage du stade ne doit pas en être investisseur à 100%.
La collectivité doit-elle nécessairement entretenir un lien avec un grand équipement sportif ?
La maîtrise paritaire est importante, c'est aussi cela que l'on négocie avec les clubs. Nous faisons en sorte que l'équipement reste accessible à tous, ce que le tout-privé ne permettrait pas. Mais peut-être cette vision relève-t-elle d'un autre temps, car nous sommes à bout de souffle en raison des contraintes budgétaires qui pèsent sur les collectivités.
Les clubs professionnels jouent-ils le jeu ?
On ne leur a pas appris ce modèle économique qui maintenant leur incombe. On ne peut pas prendre que les avantages sans subir de contrainte. Mais ce serait dans leur intérêt de les pousser à investir. Cela les obligerait à être plus honnêtes avec leurs projets : supporter l'aléa sportif, engager des financements sur des infrastructures où l'argent public n'a pas forcément sa place à 100%. On est sur un modèle qui cherche à libérer l'investissement public alors que des sociétés commerciales bénéficient de recettes issus des équipements sans avoir de contraintes.
Un rapport sénatorial de 2014 préconisait l'interdiction des partenariats public-privé dans la construction des grands stades. Qu'en pensez-vous, alors que le stade de Bordeaux, inauguré en 2015, a été financé par un PPP ?
J'estime que le PPP sur le grand stade de Bordeaux est un modèle du genre. Il a été extrêmement bien travaillé et la collectivité est très protégée dans son engagement. L'obsession de Thierry Guichard, chargé de mission à la mairie de Bordeaux, a été de nous protéger face à l'aléa sportif. Il est également prévu de récupérer au bout de trente ans un équipement comme neuf. Mais je ne dis pas qu'il faut absolument faire un PPP pour construire un grand stade, même si nous y avons vu plein d'avantages. Cela nous a permis d'être ville-hôte de l'Euro 2016 et d'avoir un équipement dans les temps alors que nous n'avions pas de financement.
Plus globalement, comment peut-on faire évoluer le modèle économique de financement des grands équipements sportifs ?
La grande conférence sur le sport professionnel actuellement en cours va nous aider à y voir plus clair. Il existe par exemple un problème d'entente entre les fédérations et les ligues professionnelles. Cette organisation, qui fonctionne plus ou moins bien, doit-elle être maintenue ? Il faut arriver à trouver quelque chose qui tienne la route et clarifier les relations collectivités-fédérations-ligues professionnelles. Là, on a une marge de progression évidente.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Journaliste spécialisé dans l'actualité sportive, j'ai collaboré, entre autres, à So Foot, Libération, Radio France Internationale. Aujourd'hui, je suis particulièrement les politiques sportives au plan national et dans les collectivités locales pour Localtis.