Les troisièmes Assises du droit du sport se tiennent les 31 mars et 1er avril à Bordeaux. La première de ces deux journées sera consacrée à un sujet qui intéresse les collectivités territoriales : construire et exploiter les équipements sportifs. Parmi les intervenants, Arielle Piazza portera la voix des collectivités. L'adjointe au maire de Bordeaux chargée des sports et vice-présidente de l'Andes (Association nationale des élus en charge du sport) apporte en avant-première son éclairage pour Localtis.
Localtis - La table ronde à laquelle vous allez
participer lors de ces assises s'intitule "Maîtrise d'ouvrage publique,
maîtrise d'ouvrage privée des équipements sportifs en France : un modèle
au milieu du gué". Où se situe l'Andes dans ce débat ?
Arielle Piazza - La position de l'Andes est claire. Nous voulons que
les collectivités, qui portent déjà beaucoup de choses, ne soient pas
impliquées dans les systèmes juridiques ou financiers de construction
d'équipements, mais que l'on favorise les garanties d'emprunt via la BPI
ou la Caisse des Dépôts. Nous pensons encore qu'on pourrait intégrer
plus facilement le cofinancement des grands équipements sportifs dans la
compétence des métropoles et des régions. C'est d'ailleurs ce qui va se
produire chez nous, à Bordeaux, pour les équipements d'intérêt
métropolitain. Une autre solution consiste à flécher une partie des
droits audiovisuels du sport professionnel. Il faut que les recettes
issues des médias participent à l'investissement, à hauteur de 5 ou 10%.
La notion d'intérêt général est-elle encore présente
dans l'investissement en faveur d'équipements destinés au sport
professionnel ?
Cela dépend de la façon dont on veut exploiter le stade. A Bordeaux
comme à Lille, on a de la culture, avec de grands concerts, on a aussi
intégré des affiches de rugby. L'intérêt général est d'y voir une
exploitation multifonctions intéressant le grand territoire. Une grande
enceinte, ce sont aussi des grands moments de sport professionnel, avec
par exemple les phases finales du Top14 de rugby, ce qui permet de
délocaliser de grands moments sportifs nationaux. L'équipement est aussi
une composante de l'attractivité territoriale. On a l'exemple de l'Euro
de football qui permet de travailler sur plusieurs secteurs
économiques. La question est plutôt de savoir si une ligue
professionnelle bénéficiant de l'exclusivité d'usage du stade ne doit
pas en être investisseur à 100%.
La collectivité doit-elle nécessairement entretenir un lien avec un grand équipement sportif ?
La maîtrise paritaire est importante, c'est aussi cela que l'on
négocie avec les clubs. Nous faisons en sorte que l'équipement reste
accessible à tous, ce que le tout-privé ne permettrait pas. Mais
peut-être cette vision relève-t-elle d'un autre temps, car nous sommes à
bout de souffle en raison des contraintes budgétaires qui pèsent sur
les collectivités.
Les clubs professionnels jouent-ils le jeu ?
On ne leur a pas appris ce modèle économique qui maintenant leur
incombe. On ne peut pas prendre que les avantages sans subir de
contrainte. Mais ce serait dans leur intérêt de les pousser à investir.
Cela les obligerait à être plus honnêtes avec leurs projets : supporter
l'aléa sportif, engager des financements sur des infrastructures où
l'argent public n'a pas forcément sa place à 100%. On est sur un modèle
qui cherche à libérer l'investissement public alors que des sociétés
commerciales bénéficient de recettes issus des équipements sans avoir de
contraintes.
Un rapport sénatorial de 2014 préconisait
l'interdiction des partenariats public-privé dans la construction des
grands stades. Qu'en pensez-vous, alors que le stade de Bordeaux,
inauguré en 2015, a été financé par un PPP ?
J'estime que le PPP sur le grand stade de Bordeaux est un modèle du
genre. Il a été extrêmement bien travaillé et la collectivité est très
protégée dans son engagement. L'obsession de Thierry Guichard, chargé de
mission à la mairie de Bordeaux, a été de nous protéger face à l'aléa
sportif. Il est également prévu de récupérer au bout de trente ans un
équipement comme neuf. Mais je ne dis pas qu'il faut absolument faire un
PPP pour construire un grand stade, même si nous y avons vu plein
d'avantages. Cela nous a permis d'être ville-hôte de l'Euro 2016 et
d'avoir un équipement dans les temps alors que nous n'avions pas de
financement.
Plus globalement, comment peut-on faire évoluer le modèle économique de financement des grands équipements sportifs ?
La grande conférence sur le sport professionnel actuellement en cours
va nous aider à y voir plus clair. Il existe par exemple un problème
d'entente entre les fédérations et les ligues professionnelles. Cette
organisation, qui fonctionne plus ou moins bien, doit-elle être
maintenue ? Il faut arriver à trouver quelque chose qui tienne la route
et clarifier les relations collectivités-fédérations-ligues
professionnelles. Là, on a une marge de progression évidente.
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