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L'organisation de la Coupe du monde servit alors de prétexte à des constructions jugées nécessaires pour le développement du football. Et si le Brésil avait du retard en la matière, ce fut moins le cas de la Suisse, qui en 1954 accueillit la Coupe du monde en ne construisant qu'un seul nouveau stade. Même constat quatre ans plus tard en Suède. Cette fois le nombre de stades doubla – passant de six à douze – mais on se servit de l'existant pour onze des enceintes retenues. La même logique prévalut en 1962 au Chili (une construction neuve pour quatre stades) et en 1966 en Angleterre. Dans ce dernier cas, la situation fut plus édifiante encore : sur les huit stades de la compétition, le plus récent, Wembley, avait été achevé en 1923, et quatre d'entre eux dataient de la fin du XIXe siècle !
En termes de stades, le tournant se situe en 1974. Quatre
ans plus tôt, le Mexique avait surfé sur le succès des Jeux olympiques de 1968
pour présenter au monde du football plusieurs stades de grande capacité
flambant neuf. En Allemagne, le doublé dans l'organisation des Jeux olympiques
de Munich 1972 puis de la Coupe du monde 1974 accentua le tournant vers un
programme de constructions/rénovations d'envergure. A Düsseldorf, Hanovre,
Stuttgart et Francfort, les vieilles enceintes firent l'objet d'importantes
rénovations. A Munich et Dortmund, le Stade olympique et le Westfalenstadion sortirent
de terre.
Qu'est-ce qui avait changé entre les années 1960 et les années
1970 ? Le football était tout simplement devenu une marchandise de premier plan
dans la société du spectacle qui achevait de mettre en place quelques-uns de
ses fondements les plus solides, parmi lesquels la télévision.
Si en 1954 la télévision suisse avait demandé à la Fifa une
participation financière pour produire les images de la première Coupe du monde
télévisée, vingt ans plus tard, les foyers des pays occidentaux étaient
largement équipés en téléviseurs et la couleur s'était répandue sur les écrans.
Le rapport de force avait changé : la télévision étaient désormais demandeuse
de retransmissions et la Fifa commença à regarder sa création comme un produit
à placer. Et bien entendu, cette nouvelle demande poussait la Fifa à emballer son
produit dans le plus bel écrin.
"En gagnant les foyers, la télévision fit du sport
un spectacle mondial et une culture de masse en même temps qu'elle attira, à
une échelle entièrement nouvelle, des capitaux dans le sport et influa sur les
techniques et les règles sportives elles-mêmes", écrivait Frédérique
Bredin, alors ministre des Sports, en 1992[1]. (Au-delà des normes des
enceintes, qui sont l'objet de notre analyse, notons que c'est à partir des
années 1980 – et précisément pour la Coupe du monde 1986 au Mexique – que la
télévision imposa des horaires notoirement antiphysiologiques en faisant jouer
des matchs à midi sous un soleil de plomb. Le but ? Offrir des retransmissions
en direct à l'heure où les téléspectateurs européens, qui constituent le plus lucratif
marché pour le football, sont de retour dans leurs foyers et peuvent enfin
s'ouvrir une canette de bière fraîche devant un bon match.) A propos des
rapports entre la Fifa et la télévision, Michel Platini a admirablement résumé
la situation dans une entrevue accordée au Monde
du 19 octobre 2015 : "La
télévision a amené l’argent et l’argent a amené des gens qui aiment
l’argent."
Mais revenons à nos stades…
A partir de la Coupe du monde 1978, on vit naître un phénomène
inquiétant qui allait se généraliser : la construction d'enceintes
surdimensionnées dans des villes d'accueil dépourvues d'équipes de haut niveau.
Parmi les trois nouvelles constructions sorties de terre pour le Mundial argentin, deux – Mendoza et Mar
del Plata – n'avaient pas de club résident.
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