Un an plus tard, Sébastien Sémeril, adjoint aux sports de la
ville de Rennes, revint sur le dossier dans une interview accordée au site
Stade rennais on line[1] : "Je convaincs le
maire, nous y allons, pensant que le cahier des charges était amendable. On fait
les études, etc., et à un moment donné le cahier des charges n’est pas
amendable. J’ai été écœuré de ce que l’on me demandait. Quand on nous demande
de construire une salle de 150 m² attenante à chaque vestiaire pour que les
joueurs puissent faire leur préparation musculaire (est-ce qu’ils ne peuvent
pas faire ça dehors, sur le terrain ?), d’élargir – par rapport à la Coupe
du Monde 1998 – de 4 centimètres les sièges des VIP en largeur, je me dis que
l’on commence vraiment à se fiche [sic] de moi. Ça, mis bout à bout, il fallait
pratiquement raser le stade et le reconstruire. […] On est dans un système de
sur-normes hallucinantes. On est sur des choses un peu ubuesques."
L'affaire connut un rebondissement en mars 2012, quand la
ville de Rennes revint à la charge en demandant finalement à faire partie des
villes hôtes. Toutefois, l'adjoint aux sports précisa que si Rennes était
"d’accord pour accueillir la compétition dans le stade actuel et en l’état,
avec ses 29.000 places", il était en revanche "hors de question de
débourser les 36 millions d’euros demandés par l’UEFA pour augmenter la
capacité du stade à 34.000 places"[2]. Michel Platini eut beau jeu
de reprendre de volée les élus bretons par une cinglante déclaration :
"Rennes, ils resteront chez eux. Le cahier des charges n’est pas là
par hasard. Nous, à l’UEFA, on n’a rien demandé, c’est la France qui est venue
candidater. Mais il y a des règles, et on les respecte."[3] En
l'occurrence, Platini se trompait. L'UEFA a bien besoin des Etats et des villes
– et de leur argent – pour organiser ses compétitions. Et elle serait bien
inspirée de ne pas montrer trop d'ingratitude…
Revenons à 2009. A l'époque, un certain Jean-Marc Ayrault était
encore maire de Nantes. Le 7 septembre, le futur Premier ministre de François
Hollande annonça que sa ville renonçait à se porter candidate à l'accueil de
matchs de l'Euro 2016. "On est dans la démesure totale avec le cahier des
charges de l'UEFA. On est dans un autre monde. Le jeu n'en vaut pas la
chandelle", déclara-t-il. La chandelle en question était en l'occurrence
un sacré morceau. Les travaux de mise aux normes étaient en effet estimés entre
80 et 100 millions d'euros, soit environ dix fois plus que la facture réglée pour
la tenue du Mondial 1998 dans le même stade de la Beaujoire. Et cette fois, le
coût du passage à l'euro ne peut pas tout expliquer ! Les travaux nécessaires,
découlaient bien entendu du fameux cahier des charges : restructuration de la
tribune présidentielle, créations de loges VIP au détriment de places plus
"populaires", abaissement de la pelouse, création de mâts d'éclairage
pour les retransmissions télévisées et réfection des vestiaires. Au stade de la
Beaujoire de Nantes, personne ne s'est jamais plaint des vestiaires. Pas plus
lors de l'Euro 1984 que lors de la Coupe du monde 1998. A l'occasion de ces
deux événements majeurs, les équipes ont toujours pu se changer et – on
l'imagine – prendre une douche réconfortante à l'issue de leurs matchs. En
2007, pour accueillir la Coupe du monde de rugby, le temple du football nantais
avait consenti à refaire ses vestiaires. Il s'agissait tout de même d'héberger
deux équipes de quinze gaillards, chacun taillé comme deux Maxime Bossis ou
trois Alain GIresse, sans compter les remplaçants. Alors, du côté de Nantes,
quand on a compris que l'UEFA ne concevait pas de faire entrer une équipe de
football là ou des rugbymen s'étaient trouvés à leur aise, on s'est dit qu'elle
poussait le bouchon un peu trop loin ! Et puis on vous a gardé le meilleur pour
la fin : vous vous souvenez de la largeur minimum des sièges en tribunes
générales ? 50 centimètres… A Nantes, les sièges – déjà remplacés en 1998
– faisaient 47 centimètres de large. Il
aurait fallu 6 millions d'euros pour les changer.
Sur ce coup, Jean-Marc Ayrault eut le soutien de sa
population. Et quand, quelques mois plus tard, la France fut officiellement
désignée pour accueillir l'Euro 2016, il enfonça le clou : "Je me réjouis
pour la France de la décision de l’UEFA. Cela dit, en tant que maire, je ne
regrette pas de ne pas investir 100 millions d’euros comme le demandait l’UEFA
dans l’aménagement de la Beaujoire. Demander à la ville, pour deux matches,
d'investir une telle somme pour mettre aux normes un stade comme la Beaujoire
qui a déjà un excellent niveau, ce n'est pas raisonnable. Cet investissement
aurait d'ailleurs surtout profité aux sponsors privés : le stade aurait eu 3.000
places de moins pour que les partenaires privés de l'UEFA bénéficient de loges
et d'espaces d'exposition. […] Nicolas Sarkozy est très heureux de la
décision... mais j’attends de voir comment les 12 villes retenues vont pouvoir
financer les aménagements nécessaires à cette compétition. Je leur souhaite
bonne chance !"[4]
Le souhait du futur Premier ministre n'était pas que de pure
forme. Il fallut de la chance, et tout un tas d'autres paramètres favorables,
pour que les futures villes hôtes de l'Euro 2016 parviennent à boucler leur
budget, lancer les travaux et construire à temps les stades promis par la
France. La tâche fut à ce point compliquée que la plupart des sites connurent des
retards. Et surtout, même après la désignation de la France comme pays hôte,
d'autres villes déclarèrent forfait.
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