mercredi 15 juin 2016

L'ASM et Michelin, une histoire d'amour qui dure

Un stade à son nom, un président issu du groupe et des finances qui lui doivent beaucoup: l'empreinte de Michelin, fondateur de l'ASM Clermont Auvergne, est encore largement visible dans le club, même s'il gagne petit à petit en indépendance.

Dans la ville, où les façades historiques de la manufacture de pneus s'élèvent à l'ombre du stade de rugby, sport et industrie ont toujours fait bon ménage.
"Michelin est le plus ancien mécène sportif au monde. Les Frères Michelin ont pensé très tôt que le sport devait jouer un rôle dans la conception de l'entreprise, pour développer la pratique physique, l'esprit de compétition et les valeurs de dépassement de soi chez ses salariés", explique Claire Dorland-Clauzel, membre du comité exécutif du groupe.
Ils donnent alors naissance à l'AS Michelin, rebaptisée en "Association Sportive Montferrandaise" car les autorités sportives de l'époque prohibaient ce "naming" avant l'heure. En 1925, la section rugby accède à l'Élite... pour ne plus jamais la quitter.
"L'ASM, c'est un exemple unique de survivance du corporatisme français, un cas particulier similaire par bien des égards aux clubs sportifs italiens, comme la Juventus de Turin" et Fiat, explique Didier Primault, du Centre de droit et d'économie du sport à Limoges.
En France, il y a bien le FC Sochaux lié à Peugeot jusqu'à son rachat en 2015 par des Chinois, mais la comparaison s'arrête là.
  
Moins de 9% du budget
  
Propriétaire de son stade, le club auvergnat génère d'importants revenus grâce cette infrastructure. "Il a négocié avec succès le virage du corporatisme vers le rugby moderne en faisant évoluer son modèle", poursuit l'économiste.
Mais en terre jaune et bleue, certains clichés ont la vie dure. S'il était un temps où l'ASM dépendait exclusivement de Bibendum, le cordon a été coupé depuis longtemps. Sur 28,6 millions d'euros, la marque de pneus a fourni cette saison moins de 9% du budget.
"Moi si je suis en déficit, Michelin ne viendra pas me secourir, à la différence de présidents propriétaires qui rallongent quand ils veulent. Cela nous oblige à être extrêmement sérieux dans notre gestion", fait valoir le président de Clermont, Éric de Cromières.
"En dehors des moments où il vient aux matches, je n'ai pas de discussions avec Jean-Dominique Senard (président de Michelin, ndlr) sur la gestion du club. Il est content quand on gagne. Car cela signifie que le lundi matin, les troupes clermontoises sont plutôt contentes", ajoute-t-il.
"Nous sommes le premierer sponsor mais un parmi d'autres. Le groupe n'intervient absolument pas dans le quotidien", abonde Claire Dorland-Clauzel.
  
'Pas faire de vagues
  
Mais pour certains supporters, la culture d'entreprise de la multinationale, reposant sur une certaine discrétion, se fait toujours sentir.
"Chez Michelin, on n'aime pas les syndicats. A l'ASM, on n'apprécie guère les supporters qui râlent. Il ne faut pas faire de vagues", s'agace l'un d'eux, Aurélien Dupuis, même s'il reconnaît "la force d'attractivité d'un tel sponsor" et "les récents efforts du club pour s'ouvrir".
Un legs de l'histoire du groupe ? "Je ne peux pas dire que la famille Michelin n'a pas eu d'influence. Personne ne renie que bon nombre de personnes qui se sont occupées de ce club viennent de l'entreprise. Il en reste forcément quelque chose", reconnaît l'ancien dirigeant René Fontès.
Ancien capitaine emblématique de l'ASM des années 90, Jean-Marc Lhermet qui a officié douze ans comme directeur sportif a aussi été ingénieur chez Michelin...
Mais en mars, des personnalités extérieures à l'entreprise ont fait leur entrée au conseil d'administration. Signe des temps ?
"Est-ce qu'on aurait envisagé un jour que l'entreprise soit dirigée par quelqu'un ne venant pas de la famille Michelin ? C'était inconcevable il y a quelques années et pourtant c'est arrivé (avec la nomination de M. Senard en 2012, ndlr) ! Sans être Nostradamus, je peux dire qu'il se passera la même chose un jour à la tête du club", avance M. Fontès.
  
(AFP)
  

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Journaliste spécialisé dans l'actualité sportive, j'ai collaboré, entre autres, à So Foot, Libération, Radio France Internationale. Aujourd'hui, je suis particulièrement les politiques sportives au plan national et dans les collectivités locales pour Localtis.