Au milieu de centaines de touristes déambulant paresseusement autour
du Sacré Coeur dominant Paris, un groupe de coureurs zigzague
vaillamment pour éviter les attroupements les plus compacts au pied de
l'immense basilique blanche.
En tête, un quadragénaire, crâne
dégarni et sourire radieux. C'est le curé de Saint-Pierre de Montmartre,
le père Patrice Sonnier, qui a lancé ce jogging dominical ce printemps.
"On
fait du sport pour annoncer l'Evangile - et pour faire de l'exercice
physique", explique-t-il, invoquant l'appel du cardinal André
Vingt-Trois à faire de 2014 "l'année de la mission", autrement dit "à
sortir de la sacristie, de l'église, aller au-devant des gens".
Bientôt,
les coureurs endosseront un maillot blanc - déjà commandé - avec une
inscription reprenant en bleu pétrole une phrase de Jésus "Toi, viens et
suis-moi".
Il s'agit, dit le père Sonnier, de "renforcer les
liens sociaux dans le tissu urbain, quelle que soit la couleur de la
peau ou la langue" de ceux qu'on rencontre.
Avec des outils
modernes: sur Twitter, on donne l'heure de passage devant quelques
célébrissimes points du parcours de 40 minutes: le cabaret Le Lapin
Agile, le Moulin de la Galette, la place des Abbesses... Bientôt un
coureur s'affublera d'une webcaméra permettant à ceux qui manquent de
souffle de participer à la course...spirituellement, sur leur écran.
L'initiative
du curé de Montmartre rejoint l'évolution générale de l'Eglise
catholique qui, après un demi-siècle d'absence, cherche à se faire à
nouveau présente dans les sports.
L'impulsion vient de très haut:
Jean-Paul II faisait de la natation, et du ski, François affiche son
enthousiasme pour le foot. Une section Eglise et Sport existe depuis
2004 au Vatican.
En France, les évêques réveillent une vieille
tradition, celle de la Fédération sportive et culturelle de France
(FSCF), dont les racines remontent aux "patros", les patronages
paroissiaux apparus il y a plus d'un siècle.
Certes, les liens
entre l'Eglise et la FSCF se sont distendus dans les années 60. Mais il
n'y a pas eu rupture et son aumônier actuel, le père Louis-Michel
Renier, cherche à renouer avec près de 250.000 jeunes et 60.000
bénévoles de la FSCF. Des arguments théologiques à l'appui.
"L'être humain n'a que son corps pour entrer en relation avec Dieu", dit-il.
Reflet de ce regain d'intérêt pour le sport, l'Eglise organise
ses propres compétitions. Tel son championnat de France cycliste, qui
commence ce mercredi 30 avril à Steenvoorde (Nord), avec 46 participants
dont quatre religieuses. Et du karting, avec la Padre Cup, le 1er mai à
Trappes (Yvelines), sans oublier le Challenge des cathédrales, le
tournoi de rugby inter-diocésain à Toulouse le 7 juin.
L'idée de
mettre le sport au service de la foi au niveau mondial a inspiré aussi
la communauté du Chemin Neuf, un mouvement catholique à vocation
oecuménique. Sa branche vidéo Net For God vient de lancer un DVD où des
grands sportifs, le footballeur brésilien Kakà (protestant évangélique)
en tête, expliquent, entre deux images de tirs au but à couper le
souffle et avec un brio de télévangéliste, leur attachement à Dieu et le
rôle qu'il joue dans leur vie.
La vedette française du film
doublé en vingt langues et intitulé "Un coeur de champion", est le père
René Pichon, grand coureur de fond, plusieurs fois champion de la région Rhône-Alpes du 5000 m cross-country.
Joint
par l'AFP, le curé de La Ravoire en Savoie, qui court encore, à 68 ans,
dix km par jour, et termine la rédaction de son troisième livre, "L'âme
du sport et le sport de l'âme", résume ainsi sa pensée: "Le sport donne
du souffle, y compris dans le domaine spirituel... Le souffle, c'est
l'Esprit. Le sport, c'est aspirer au dépassement de soi-même, et c'est
ce qui apporte le bien-être spirituel".
(AFP)
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