Au pied d'une favela de Sao Paulo, dix adolescentes jouent au
football dans un gymnase froid : elles se battent pour marquer des buts
mais surtout pour se faire reconnaître dans ce sport dominé par les
hommes.
Alors que le Brésil a les yeux rivés sur la Coupe du monde
et sa star "Neymar", ces jeunes filles de la favela Rosinha, dans la
zone sud de Sao Paulo, rêvent de recevoir le même traitement que les
hommes au "pays du foot".
Même si c'est contre la volonté de son
père, Ana Julia de Souza, 12 ans, a choisi le short et les crampons
plutôt que le tutu et les chaussons de danse.
"Mon père n'aime pas
beaucoup que je vienne ici. Il aurait préféré que je fasse de la danse
classique", confit-elle à l'AFP. "Mais moi, je préfère le football".
Ses
joueurs préférés dans la Seleçao sont David Luiz, Marcelo et Hulk et
elle espère que ses héros remporteront "un sixième trophée".
Depuis
que le football féminin a été officiellement reconnu dans le pays en
1982, un nombre croissant de jeunes Brésiliennes apprennent l'art de
dribbler et de shooter et plus de 5000 d'entre elles participent à des
championnats réguliers.
Mais elles ne sont toujours pas reconnues
professionnellement même si leur "Pelé en jupons", Marta (Vieira da
Silva), 28 ans, a été nommée "meilleure joueuse du monde" par la Fifa
cinq années de suite.
Dans une récente interview à l'AFP, Marta a
dit qu'elle souhaitait que "plusieurs femmes deviennent des références
pour les jeunes filles dans le football féminin", au Brésil.
Les joueuses brésiliennes viennent de lancer une campagne sur internet pour demander à la présidente
Dilma Rousseff d'envoyer un projet de loi au Parlement pour réglementer
le football féminin et en faire un sport professionnel.
Le
consulat américain et l'Organisation brésilienne de promotion de la
culture (SESC) ont ouvert une école de foot pour les filles âgée de 13 à
15 ans près du stade de Sao Paulo, l'Arena Corinthians, plus
populairement appelé "Itaqueirao".
Le gymnase de "futsal" (ou football en salle) dans la favela
Rosinha est dirigé par l'ONG J12, qui veut aider les filles à faire
tomber les barrières professionnelles imposées par une société machiste.
"C'est
très difficile pour une femme de se consacrer au football", témoigne à
l'AFP Jessica Spinola, 26 ans, deux fois championne du monde de futsal
et cofondatrice de la J12.
"Nous manquons de ressources, nous
manquons de soutien, nous manquons de professionnalisme",
déplore-t-elle. "En plus, il faut se battre contre les préjugés",
ajoute-t-elle.
"Le football est un monde de machos. C'est une passion nationale mais réservée aux hommes", souligne-t-elle.
Environ
quarante fillettes de dix ans et plus, de la favela, apprennent à jouer
au foot trois fois par semaine, certaines avec l'envie de se consacrer à
ce sport, dans ce vieux gymnase où les murs ont des ouvertures qui
laissent passer l'air froid de l'hiver de Sao Paulo.
"Elles ne
sont pas là simplement pour jouer, c'est pour les sortir de la rue, leur
montrer que le sport peut changer leur vie, qu'elle doivent étudier et
faire des efforts", explique Mme Spinola, dont l'ONG s'assure que les
gamines vont régulièrement l'école.
"J'adore marquer des buts", dit Beatriz de Carvalho, onze ans.
Comme
la plupart des joueuses, Carvalho est noire et originaire d'une famille
pauvre où le père ou le grand-père ont toute la famille à charge.
"Les
gens pensent que parce qu'on joue au football, on est des lesbiennes
mais c'est faux", dit Vitoria Santana, douze ans, une autre des
fillettes de l'ONG J12.
Thais Moraes, 22 ans, qui joue avec les
plus âgées, se rappelle ce qu'elle a dû endurer pour se faire accepter
par les garçons : "Ils se moquaient de moi, j'ai beaucoup souffert".
Mais elle pense qu'"heureusement, c'est en train de changer !".
(AFP)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire