jeudi 9 octobre 2014

Top 14 - Le rugby francilien, un terreau difficile à fertiliser

Premier comité en nombre de licenciés, l'Ile-de-France peine pourtant à remplir durablement ses stades de rugby, à l'image de ses deux porte-drapeaux en Top 14 le Racing-Métro et le Stade Français, qui doivent affronter une forte concurrence culturelle et sportive.

Où vont chaque week-end les quelque 48.000 licenciés franciliens ? Visiblement, pas ou peu au stade. Sans doute sont-ils d'abord retenus sur la pelouse pour leurs propres matches, souligne Jean-Louis Boujon, président du comité Ile-de-France.
Symptôme de ce relatif désintérêt, le dernier derby entre le Racing-Métro et le Stade Français, à Jean-Bouin le 29 mars, où un millier de places sur les 20.000 du stade étaient vacantes, en dépit du fort enjeu sportif et d'une programmation favorable (samedi, 15H00, grand soleil).
A l'heure où les frères ennemis régionaux se retrouvent ce samedi (16H35), l'antre du XVIe arrondissement sera-t-il plein ? L'an passé, Jean-Bouin a accueilli en moyenne 13.200 spectateurs sur 12 matches, soit un taux d'occupation de 66%, tandis qu'Yves-du-Manoir à Colombes, où joue le Racing-Métro, n'a reçu que 7.900 spectateurs sur 14.000 places (56% de remplissage).
"C'est un problème de choix avec toutes les autres activités que les Parisiens peuvent avoir quand ils sont en week-end", répond le président du Stade Français Thomas Savare.
"A nous de les attirer, de leur montrer que c'est un spectacle de qualité dans un bel endroit, ajoute-t-il. Paris est un environnement très particulier."
Le président du Racing-Métro Jacky Lorenzetti avance, lui, trois facteurs: "la crise économique", "le succès" ("une équipe qui gagne attire du monde et l'on n'a encore rien gagné"), et l'accessibilité de son stade de Colombes ("c'est infernal pour y aller").
"On a un très bon taux de conquête de spectateurs mais malheureusement ils reviennent peu car ils sont découragés par les transports, les moyens d'accueil et les parkings sur place", déplore M. Lorenzetti.
La stratégie des clubs et de leurs services marketing n'est pas non plus étrangère à cette affluence aléatoire: "le vrai business du sport, ce sont les VIP", souligne ainsi Lionel Maltese, spécialiste de marketing sportif et professeur associé à la Kedge Business School. Et le grand public, au portefeuille moins garni, passe donc un peu au second plan.
Du coup, les grands événements populaires qu'avait su créer l'ancien président du Stade Français Max Guazzini, capable de remplir le Stade de France, se font de plus en plus rares. Et se dessine en filigrane un problème d'offre.
"Le sport en tant que tel ne suffit plus, même le Top 14 qui propose de superbes affiches ne suffit plus", souligne Lionel Maltese, tout en soulignant la concurrence aussi exercée par les diffuseurs qui proposent une couverture télévisée de qualité.
"Le stade doit donc offrir une expérience et des services supplémentaires aux spectateurs", poursuit-il, évoquant un vrai lieu de consommation.
Même si M. Lorenzetti ne croit guère à l'efficacité d'un "grand barnum" autour d'un match de rugby, la future enceinte du Racing à Nanterre (30.000 places) devrait faire entrer le club dans une nouvelle dimension.
"60% des boîtes du CAC 40 sont à côté à La Défense, ce sera la folie sur les VIP, s'enthousiasme Lionel Maltese. Si en plus le Racing parvient à travailler sur les fans..."
En attendant, les clubs professionnels doivent effectuer un important travail d'ancrage sur le territoire afin de développer "une vraie identité rugbystique parisienne ou francilienne", dixit Jean-Louis Boujon.
L'objectif: "travailler en réseau, autour de quatre grands clubs, le Racing-Métro (Hauts-de-Seine), le Stade Français (Paris), Massy (Essonne) et Bobigny (Seine-Saint-Denis)."
Des accords existent déjà, comme au Racing qui "essaime auprès des clubs de la première couronne pour essayer de capter des talents", selon M. Lorenzetti.
"Mais en ce moment, les réformes territoriales vont bon train, la +métropole Grand Paris+ se constitue pour réunir 6,5 millions de personnes, note encore M. Lorenzetti. On s'inscrit dans un territoire évolutif et ça nous plairait bien de pouvoir être un jour le Racing Grand Paris".

(AFP)

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Journaliste spécialisé dans l'actualité sportive, j'ai collaboré, entre autres, à So Foot, Libération, Radio France Internationale. Aujourd'hui, je suis particulièrement les politiques sportives au plan national et dans les collectivités locales pour Localtis.