vendredi 23 janvier 2015

Le bail conclu entre une commune et une association sportive n'est pas toujours un contrat administratif

Le bail portant sur un bâtiment concédé par une commune à une association sportive est-il un contrat administratif ou un contrat de droit privé ? A cette question d'apparence banale, on attendrait une réponse toute faite, étayée par une jurisprudence aussi abondante que constante. Il faut croire que la question n'est pas si anodine et, surtout, pas si évidente à trancher. Pour preuve, le Tribunal des conflits – qui a pour mission de résoudre les conflits de compétence entre les juridictions de l'ordre judiciaire et les juridictions de l'ordre administratif – a eu à se déterminer sur cette question dans un arrêt du 13 octobre 2014 publié récemment.
En l'espèce, la commune de Joinville-le-Pont et l'association Aviron Marne et Joinville ont conclu, le 5 octobre 2005, un contrat par lequel la commune a donné à bail à l'association, pour une durée de soixante-dix neuf ans et un loyer de un euro, un ensemble immobilier destiné à la pratique de l'aviron, dont elle est propriétaire et sur lequel elle s'est engagée à réaliser différents travaux de réhabilitation. Le bâtiment objet du contrat a été détruit par un incendie le 25 octobre 2005.
Après avoir versé à la commune une somme de plus de quatre millions d'euros, l'assureur de la commune a engagé une action directe contre l'assureur de l'association. Puis, par un arrêt du 1er juin 2010, la cour d'appel de Paris, après avoir déclaré la juridiction judiciaire compétente pour statuer sur l'action directe engagée par l'assureur de la commune, a dit qu'il appartenait à celui-ci de saisir la juridiction administrative pour "faire déterminer les responsabilités dans l'incendie" et a sursis à statuer sur l'action directe. Le pourvoi formé par l'assureur de la commune contre cet arrêt a ensuite été rejeté par la Cour de cassation le 16 mai 2012. L'assureur a alors saisi le tribunal administratif de Melun, lequel a estimé, dans un jugement du 12 février 2014, que le contrat en cause n'était pas un contrat administratif. Il revenait en dernier lieu au Tribunal des conflits de décider qui de la juridiction administrative ou judiciaire était compétente dans ce litige.

Absence de tout contrôle de la commune

Dans son arrêt, le Tribunal des conflits rejette le caractère administratif du bail liant la commune et l'association sportive. Pour cela, il s'intéresse particulièrement, d'une part aux conditions d'utilisation du bâtiment, d'autre part aux rapports entre la commune et l'association sportive.
Concernant l'utilisation du bâtiment, le Tribunal des conflits s'appuie sur deux arguments pour établir que le bail n'a pas pour objet d'autoriser l'occupation du domaine public communal et ne peut être regardé comme ayant été conclu en vue de la réalisation d'une opération d'intérêt général relevant de la compétence de la commune. Tout d'abord, il considère que le bâtiment ne peut être regardé comme affecté à l'usage direct du public car son utilisation est réservée aux membres de l'association sportive. D'autre part, le bail ne confère à l'association aucun droit réel sur le bien mis à sa disposition. Celle-ci se bornant à utiliser le bâtiment afin que ses adhérents pratiquent l'aviron, et les investissements réalisés – pour des aménagements indispensables à la pratique de l'aviron – étant exclusivement à la charge de la commune.
Concernant les rapports entre la commune et l'association sportive, le Tribunal des conflits relève que, si l'association a une activité d'intérêt général, elle ne peut être regardée comme chargée d'une mission de service public qui lui aurait été confiée par la commune. En cause : les modalités d'organisation et de fonctionnement de l'association, notamment l'absence de tout contrôle de la commune et de toute définition par celle-ci d'obligations particulières auxquelles l'association serait soumise. Et cela malgré l'importance particulière que revêt l'aviron dans cette commune ou les aides importantes octroyées par la commune à l'association.
Ce contrat, conclut le Tribunal des conflits, n'a donc pas le caractère d'un bail emphytéotique administratif conclu en application des dispositions des articles L. 1311-2 et suivants du Code général des collectivités territoriales. Et la juridiction de rappeler qu'"un contrat conclu avec une personne publique présente un caractère administratif lorsqu'il comporte une ou plusieurs clauses qui, notamment par les prérogatives reconnues à la personne publique contractante dans l'exécution du contrat, impliquent, dans l'intérêt général, qu'il relève du régime exorbitant des contrats administratifs".

(Localtis)

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Journaliste spécialisé dans l'actualité sportive, j'ai collaboré, entre autres, à So Foot, Libération, Radio France Internationale. Aujourd'hui, je suis particulièrement les politiques sportives au plan national et dans les collectivités locales pour Localtis.