mardi 17 février 2015

Cyclisme : sur le parcours de la Tropicale Amissa-Bongo, un village choyé par le pouvoir gabonais

Bongoville. 3.000 habitants. Son hôpital dernière génération, sa résidence présidentielle, son stade moderne, ses trois hôtels dont un 5 étoiles, son lycée, ses écoles, sa gendarmerie, son Trésor public... Le village natal de l'ancien président du Gabon Omar Bongo, décédé en 2009 après 42 ans au pouvoir, bénéficie d'un traitement de faveur.
Comme un symbole pour son 10e anniversaire, le départ de la Tropicale Amissa Bongo, course cycliste qui rassemble coureurs du circuit professionnel et amateurs du continent africain depuis 2006, a été donné là, à quelques mètres du mausolée d'Amissa Bongo (1964-1993), fille décédée d'Omar Bongo, qui lui avait rendu hommage en baptisant la course de son prénom.
Contrairement à l'idée communément reçue au Gabon, Bongoville ne s'appelle pas ainsi en honneur d'Omar Bongo, son plus illustre enfant, mais en raison d'un chef de canton qui avait impulsé le regroupement de villageois du secteur dans cette agglomération. Parmi ces petits hameaux, dans une région vallonnée entre la forêt équatoriale et les plateaux Batekés, Lewai, le village natal d'Omar Bongo.
Omar Bongo, fin diplomate, se mouvait à merveille sur le continent et dans la "Françafrique" dont il était un des piliers, mais il est aussi resté le chef traditionnel n'oubliant jamais sa région, qu'il a constamment fait profiter des largesses de l'Etat gabonais.
Si les premières éditions de l'Amissa Bongo se cantonnaient surtout au Haut-Ogooué, c'est que cette province disposait du réseau routier goudronné le plus important du pays, malgré un bassin de population relativement faible. Et sans doute aussi parce qu'il était possible de l'atteindre le train, le Transgabonais, oeuvre titanesque de 700 km voulue par Omar Bongo et qui relie la capitale du Haut-Ogooue à Owendo, le port de Libreville.
La construction de ce chemin de fer, entre 1974 et 1978, répondait à la volonté de voir le manganèse produit au Gabon exporté depuis son territoire, et non plus via le Congo voisin. Et elle permettait du même coup de désenclaver la région présidentielle.
Après le décès d'Omar Bongo en 2009, son fils Ali lui a succédé, grâce notamment au vote massif des populations de la province. Et les vieilles habitudes ont perduré.
Franceville, la capitale provinciale, a été un des deux sites de la Coupe d'Afrique des Nations 2012, bénéficiant ainsi d'aménagements pour la compétition, dont la rénovation de son aéroport... Et Bongoville, située à 60 km de là, a hérité d'un stade d'entraînement et d'un hôtel de luxe. Celui-ci, au taux de remplissage en dents de scie, accueille séminaires et colloques qui laissent ainsi quelques millions de Francs CFA au village.
Ce "surinvestissment" dans cette région suscite des mécontentements, alors que des provinces plus peuplées ne sont pas aussi bien équipées, dans un pays aux infrastructures souvent défaillantes.
Le préfet Joseph Matsiengui-Boussamba balaie les critiques: "C'est une idée reçue. Bongoville bénéficie de la même organisation administrative que le reste des départements du pays. Il n'y a pas de traitement de faveur".
"Il fait bon vivre à Bongoville, admet Ghislain Mannix Otiessi-Andjoua, fonctionnaire aux Affaires sociales. Les populations sont bien. Il y a tout. Ils n'ont pas à prendre le transport pour aller à l'école, à l'hôpital... Il y a des investissements agricoles" souligne-t-il en citant les cultures avoisinantes (café, igname, manioc).
Le village, entièrement goudronné et électrifié (une exception au Gabon), a bénéficié aussi, au fil du temps, de logements sociaux et de maisons... dont beaucoup sont étrangement abandonnées alors que certains villageois vivent encore dans des paillotes ou des maisons de bois et de tôle.
Les investissement publics ne bénéficient pas à tous. "Les jeunes sont assis! Il n'y pas de travail. Ce n'est pas bien de vivre ici", bougonne un jeune homme, Brice Fred. Pourtant, une usine de plastique avait été implantée il y a quelques années mais elle est aujourd'hui à l'arrêt, le sable local, nécessaire à son fonctionnement, n'étant pas de la qualité requise...
Un voisin qui ne veut pas donner son nom ajoute: "Finalement, Bongoville, c'est quoi? Juste une route!". Une route où chemine une vieille femme qui ploie sous la charge d'un cabas en osier rempli de bois mort.

(AFP)

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Journaliste spécialisé dans l'actualité sportive, j'ai collaboré, entre autres, à So Foot, Libération, Radio France Internationale. Aujourd'hui, je suis particulièrement les politiques sportives au plan national et dans les collectivités locales pour Localtis.