mercredi 18 février 2015

La Moselle incite les clubs locaux à embaucher leurs meilleurs sportifs

Si le sport de haut niveau est un vrai métier, de nombreux sportifs d'excellence n'ont pas un statut professionnel et sont en situation précaire. Depuis 2012 la Moselle innove, en incitant les clubs locaux à embaucher leurs meilleurs talents.

   "95% des sportifs de haut niveau n'ont pour simple couverture que leur licence sportive, qui est bien loin de la prévoyance appliquée quand on a un contrat de travail", déplore Philippe Gonigam, ancien directeur de l'élite à la Fédération française d'athlétisme.
   "Des mesures dérogatoires amènent des sportifs à intégrer des entreprises avec des détachements complets, ou bien ils sont embauchés par leurs clubs, mais comme entraîneurs par exemple. Ces contrats de travail ne les couvrent pas en cas de blessure dans leur discipline", souligne le Mosellan, ancien champion de France du 400 mètres haies (1986).
   Quant à la gestion des ressources tirées d'une activité sportive de haut niveau, via les primes de compétition, les sponsors ou les "contrats d'image" venant des collectivités, elle est souvent "compliquée" et fait du sportif un "fusible", parce que "c'est lui qui signe les contrats et les déclarations d'impôts, pas son agent", pointe-t-il encore.
   Pour tenter d'y remédier, il s'est associé au conseil général de la Moselle pour créer en 2012 la "Moselle Sport Académie", mécanisme d'accompagnement à la professionnalisation des clubs et des sportifs.  
   "En général un club n'est pas formaté pour assumer la gestion d'un sportif de haut niveau. Nous aidons le club à créer un vrai contrat de droit privé avec le sportif, pour sécuriser et légaliser son parcours" et aussi l'accompagner dans sa reconversion, explique le président du conseil général, Patrick Weiten (UDI), pour qui cette démarche permet aussi de "fidéliser le sportif à son territoire".
   Depuis sa création la Moselle Sport Académie, au budget annuel de 250.000 euros, dont 150.000 d'un fonds alimenté par des partenaires privés, a déjà permis de créer 16 emplois de sportifs professionnels ou en post-carrière.
   En parallèle, Philippe Gonigam a monté avec l'Université de Strasbourg un diplôme Bac+2 de "management d'une carrière de sportif professionnel", pour permettre aux sportifs de haut niveau de devenir les "patrons" de leur activité.
   Une cinquantaine de jeunes footballeurs, handballeuses, joueurs de tennis ou athlètes suivent actuellement la formation à Paris, en Alsace ou en Moselle. Dans ce département elle peut être associée à un contrat de
professionnalisation avec le conseil général. 
   "Avant je n'avais pas de statut, juste une simple licence sportive" témoigne la nageuse Aurélie Muller, ancienne élève du diplôme et espoir français du 10 km en eau libre pour les Jeux olympiques de Rio 2016, qui vient de rejoindre le groupe de l'entraîneur Philippe Lucas à Narbonne. "Je suis aujourd'hui la seule nageuse professionnelle en France", se réjouit la jeune femme de 24 ans, qui bénéficie depuis peu d'un contrat de travail à durée déterminée de son club d'origine, le Cercle nautique de Sarreguemines (Moselle), renouvelable chaque année.
   La Moselle Sport Académie "nous a proposé un contrat clé en main: elle avait démarché les organismes paritaires collecteurs agréés (les OPCA, qui collectent et redistribuent l'argent de la formation professionnelle, ndlr) et négocié la possibilité de mettre en place un contrat de professionnalisation" durant la formation d'Aurélie, raconte Gilles Volpato, son président de club.
   "L'initiative de la Moselle est originale, avec une vraie prise en considération des sportifs. Ce serait intéressant que d'autres collectivités territoriales puissent s'en inspirer" estime Jean-Pierre Karaquillo, fondateur du Centre de droit et d'économie du sport (CDES) de Limoges, qui a remis mercredi un rapport sur le statut des sportifs au secrétaire d'Etat aux Sports, Thierry Braillard.
   Pour relayer ses autres propositions, comme la mise en place d'un "portage salarial" organisé par l'Etat pour professionnaliser les sportifs quand les clubs ne sont pas prêts, Philippe Gonigam a annoncé le lancement le 28 février d'un nouveau syndicat, l'Union nationale des sportifs professionnels et de haut niveau.

(AFP)

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Journaliste spécialisé dans l'actualité sportive, j'ai collaboré, entre autres, à So Foot, Libération, Radio France Internationale. Aujourd'hui, je suis particulièrement les politiques sportives au plan national et dans les collectivités locales pour Localtis.