samedi 14 février 2015

Le cricket français se cherche un avenir à l'école

Loin de la Coupe du monde de cricket en Australie et en Nouvelle-Zélande, la fédération française, longtemps dirigée par des immigrés indiens, anglais ou sri lankais, fait sa pub dans les écoles, pour espérer un jour bâtir une équipe de haut niveau.

L'équipe de France masculine n'a jamais participé à la populaire et lucrative Coupe du monde, qui débute vendredi. Loin du doux hiver austral, l'équipe de France a repris sa saison le week-end dernier, à l'aube, dans l'ambiance glaciale d'un gymnase aux gradins en béton, à Lisses, en banlieue parisienne.
Un test match international classique dure cinq jours, mais ce premier entraînement est expédié en une heure et demie sur un terrain où s'entremêlent les lignes de handball, basket et volley. Pas plus, car à 09h30, les Bleus doivent libérer la salle pour les poussins de l'équipe de handball locale!
Les Tricolores du cricket sont tous immigrés ou Français nés de parents indiens, pakistanais, sri lankais ou encore australiens, des pays où ce sport de batte est élevé au rang de "religion", explique Balaji Cadirvelou, vice-président de la Fédération France Cricket.
Parmi eux, Waseem Batthi aurait pu prétendre à ce statut de "dieu" du cricket au Pakistan. En France, il est devenu prophète de son sport. Ancien professionnel dans son pays natal, il a débarqué par défaut à Paris en 2000, après un refus de visa pour vivre de son sport au Royaume-Uni.
"Quelques années après, j'ai eu des propositions pour repartir jouer en Angleterre, mais j'ai refusé, je préfère représenter mon sport et mon pays", la France, explique fièrement à l'AFP le batteur classé récemment dans le top 12 européen.
Ce préparateur de commande de 36 ans intervient parfois dans les écoles primaires pour présenter son sport, pratiqué par seulement 1.400 licenciés dans l'hexagone, 10 fois moins que ses cousins du base-ball ou de la pelote basque.
Depuis 2012 la fédération forme des conseillers pédagogiques de l'Education nationale, pour initier les jeunes écoliers de 35 départements à ce sport mais aussi "aux cultures du sous-continent indien".
Le cricket, sport de balle collectif, est basé sur le "fair-play" et la "coopération", plaide ainsi David Bordes, responsable du programme de formation pour France Cricket. La fédération dépense près de 10.000 euros par an pour ce dispositif prévu jusqu'en 2021, dans l'espoir de recruter des "petits Français", dont les parents confondent souvent la discipline "avec le polo, le croquet ou un folklore type Intervilles" regrette cet ancien joueur devenu directeur technique fédéral.
"L'idée est d'ouvrir le cricket au-delà de ses communautés, comme l'a fait le rugby en s'écartant du sud-ouest après 1995" (date du début du professionnalisme, ndlr), poursuit celui qui a découvert ce sport par hasard, dans un lycée du Lot-et-Garonne.
"Un été, j'ai choisi d'annuler ma participation aux championnats de France de sprint en athlétisme, pour disputer une tournée avec l'équipe nationale de cricket. J'y ai trouvé une ambiance conviviale. Un esprit troisième mi-temps où le biryani remplace le saucisson" sourit-il.
Mais pour attirer des profils comme celui de David Bordes, la quarantaine de clubs amateurs français, souvent réfugiés dans des gymnases l'hiver ou sur des pelouses de foot inadaptées l'été, devront se doter d'infrastructures appropriées.
Il n'existe que trois terrains homologués en région parisienne, pourtant le plus gros vivier de joueurs. La faute aux dimensions du site requis par ce sport -un ovale équivalant à deux terrains de rugby - et... au général de Gaulle. En supprimant les bases militaires de l'OTAN en 1966, il avait fait disparaître les derniers terrains de cricket installés par les soldats britanniques.
Alors, question visibilité, la fédération mise beaucoup sur son équipe de France et s'est attaché en janvier les services d'un entraîneur professionnel, le Néerlandais Tim de Leede.
Le but à moyen terme: grimper à l'échelon mondial supérieur (la 5e division), pour recevoir les 50.000 euros de subventions prévus à cet effet par la fédération internationale.
En attendant, l'équipe de France, portée par une mosaïque de joueurs aux racines asiatiques ou australiennes, continuera de s'entraîner chaque week-end à l'aube pour s'offrir des opérations séduction ailleurs que dans les communautés biberonnées au cricket.

(AFP)

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Journaliste spécialisé dans l'actualité sportive, j'ai collaboré, entre autres, à So Foot, Libération, Radio France Internationale. Aujourd'hui, je suis particulièrement les politiques sportives au plan national et dans les collectivités locales pour Localtis.