lundi 4 mai 2015

Fichier STADE: la feuille de match dont les supporters ne veulent pas

La police aide-t-elle le Paris SG à choisir son public et à trier "bons" et "mauvais" supporters ? C'est ce qu'assurent plusieurs associations: elles contestent en justice le fichier "STADE", qui permet de collecter des informations sur les supporters et vient d'être validé par le ministère de l'Intérieur.

Plusieurs recours en référé ont été déposés devant le Conseil d'Etat, notamment par la Ligue des Droits de l'Homme (LDH), l'association stéphanoise Lutte pour un Football Populaire et l'Adajis (Association de défense et d'assistance juridique des intérêts des supporters). Une audience a été fixée au 12 mai.

. A quoi sert ce fichier ?Il s'agit d'un traitement automatisé de données à caractère personnel. Un arrêté du ministère de l'Intérieur, publié au journal officiel le 23 avril, a autorisé la préfecture de police à le créer.
Son objectif? "Prévenir les troubles à l'ordre public, les atteintes à la sécurité des personnes et des biens ainsi que les infractions", dans un cadre bien précis: d'une part les manifestations sportives organisées dans des départements de la région parisienne (Paris, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne), d'autre part les manifestations sportives liées au Paris-Saint-Germain qui ont lieu hors de ces départements.
En région parisienne, tous les clubs sportifs sont donc concernés. Mais le fichier s'applique aussi aux matches à l'extérieur du PSG, seul club nommément cité, sans qu'il soit précisé si les sections féminine et hand-ball ou les équipes de jeunes sont aussi visées.
Ce fichier est en fait la régularisation d'un autre, plus ancien et surtout illégal. Son utilisation avait été "constatée en contrôle en janvier 2013 à la Préfecture de Police", à la suite de "plaintes reçues à partir d'août 2012", a expliqué la Cnil (Commission nationale de l'informatique et des libertés) à l'AFP.

. Qui est concerné ?Le cadre du fichier est large et ne concerne pas que des hooligans reconnus ou des personnes interdites de stade (qui figurent déjà sur un autre fichier).
Potentiellement, n'importe quelle personne de plus de 13 ans "se prévalant de la qualité de supporter d'une équipe ou se comportant comme tel" peut figurer sur ce fichier si les autorités jugent qu'elle présente un risque.
La liste des éléments pouvant être enregistrés est également longue: état civil, profession, signes physiques particuliers, activités publiques, comportement et déplacements, blog et réseaux sociaux, immatriculation des véhicules, ainsi que les identités de "personnes entretenant ou ayant entretenu des relations directes et non fortuites avec l'intéressé". Les données sont conservées cinq ans (trois pour les mineurs).

. Pourquoi est-il contesté ?Pour Michel Tubiana, président d'honneur de la LDH, l'un des problèmes de ce fichier est justement qu'il "ne définit pas la notion de supporteur".
"Il veut dire à la fois participant occasionnel, permanent, membre d'un club... Cela donne toute latitude pour ficher la population", a-t-il dit à l'AFP.
Dans un avis de 2014, la Cnil relevait d'ailleurs "la difficulté de définir de manière objective un supporter et, par conséquent, le risque d'enregistrer dans le traitement un nombre important de personnes, sans justification".
Le fait qu'il ne concerne que Paris, la quantité des données collectées et le fait que "tout ou partie" des données puissent être transmises à d'autres clubs ou fédérations, posent aussi question.
Et le débat dépasse le sport: alors que la future loi sur le renseignement fait polémique, la LDH juge que "l'Intérieur peaufine son fichage généralisé de la population" avec le fichier "STADE", "dans une sorte de boulimie dont les libertés individuelles sont les premières victimes".

. Est-ce un cadeau fait au PSG ?Les détracteurs du fichier fustigent aussi un dispositif taillé sur mesure pour le PSG, qui refuse régulièrement l'accès aux matches de ses équipes à des supporters non interdits de stade mais jugés "indésirables".
En janvier 2014, la Cnil a pourtant refusé au club le droit d'utiliser une liste de plus de 2000 personnes "considérées par le PSG comme ayant un comportement non conforme aux valeurs du club".
Le fichier STADE est-il alors un moyen détourné offert au PSG pour continuer à trier ses supporters ?
Pour la Cnil, non. Ce fichier "n'est pas un fichier de gestion des supporteurs du PSG".
"Dans la mesure où la Préfecture de Police de Paris est compétente sur le territoire parisien, le fichier est bien sûr compétent pour le PSG, mais pas seulement (...) Par exemple, les matchs du Stade Français sont également pris en compte", a expliqué l'instance à l'AFP.
Pour Michel Tubiana en revanche, il s'agit d'"une volonté de légaliser de manière détournée un fichier illégalement constitué par le PSG".
Nicolas Hourcade, sociologue à l'Ecole Centrale de Lyon et spécialiste des supporters, pointe lui un arrêté qui "arrive à point" pour que le PSG "rentre dans les clous".
"Les pouvoirs publics doivent lutter contre le racisme et la violence autour des matches du PSG et coopérer avec le club. En revanche, ils ne doivent pas se mettre à son service pour l'aider à trier son public", a-t-il estimé auprès de l'AFP.

(AFP)

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Journaliste spécialisé dans l'actualité sportive, j'ai collaboré, entre autres, à So Foot, Libération, Radio France Internationale. Aujourd'hui, je suis particulièrement les politiques sportives au plan national et dans les collectivités locales pour Localtis.