La police aide-t-elle le Paris SG à choisir son public et à trier
"bons" et "mauvais" supporters ? C'est ce qu'assurent plusieurs
associations: elles contestent en justice le fichier "STADE", qui permet
de collecter des informations sur les supporters et vient d'être validé
par le ministère de l'Intérieur.
Plusieurs recours en référé ont
été déposés devant le Conseil d'Etat, notamment par la Ligue des Droits
de l'Homme (LDH), l'association stéphanoise Lutte pour un Football
Populaire et l'Adajis (Association de défense et d'assistance juridique
des intérêts des supporters). Une audience a été fixée au 12 mai.
. A quoi sert ce fichier ?Il s'agit d'un traitement
automatisé de données à caractère personnel. Un arrêté du ministère de
l'Intérieur, publié au journal officiel le 23 avril, a autorisé la
préfecture de police à le créer.
Son objectif? "Prévenir les
troubles à l'ordre public, les atteintes à la sécurité des personnes et
des biens ainsi que les infractions", dans un cadre bien précis: d'une
part les manifestations sportives organisées dans des départements de la
région parisienne (Paris, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne),
d'autre part les manifestations sportives liées au Paris-Saint-Germain
qui ont lieu hors de ces départements.
En région parisienne, tous les clubs sportifs sont donc concernés. Mais le
fichier s'applique aussi aux matches à l'extérieur du PSG, seul club
nommément cité, sans qu'il soit précisé si les sections féminine et
hand-ball ou les équipes de jeunes sont aussi visées.
Ce fichier
est en fait la régularisation d'un autre, plus ancien et surtout
illégal. Son utilisation avait été "constatée en contrôle en janvier
2013 à la Préfecture de Police", à la suite de "plaintes reçues à partir
d'août 2012", a expliqué la Cnil (Commission nationale de
l'informatique et des libertés) à l'AFP.
. Qui est concerné ?Le cadre du fichier est large et ne
concerne pas que des hooligans reconnus ou des personnes interdites de
stade (qui figurent déjà sur un autre fichier).
Potentiellement,
n'importe quelle personne de plus de 13 ans "se prévalant de la qualité
de supporter d'une équipe ou se comportant comme tel" peut figurer sur
ce fichier si les autorités jugent qu'elle présente un risque.
La
liste des éléments pouvant être enregistrés est également longue: état
civil, profession, signes physiques particuliers, activités publiques,
comportement et déplacements, blog et réseaux sociaux, immatriculation
des véhicules, ainsi que les identités de "personnes entretenant ou
ayant entretenu des relations directes et non fortuites avec
l'intéressé". Les données sont conservées cinq ans (trois pour les
mineurs).
. Pourquoi est-il contesté ?Pour Michel Tubiana, président
d'honneur de la LDH, l'un des problèmes de ce fichier est justement
qu'il "ne définit pas la notion de supporteur".
"Il veut dire à la
fois participant occasionnel, permanent, membre d'un club... Cela donne
toute latitude pour ficher la population", a-t-il dit à l'AFP.
Dans
un avis de 2014, la Cnil relevait d'ailleurs "la difficulté de définir
de manière objective un supporter et, par conséquent, le risque
d'enregistrer dans le traitement un nombre important de personnes, sans
justification".
Le fait qu'il ne concerne que Paris, la quantité
des données collectées et le fait que "tout ou partie" des données
puissent être transmises à d'autres clubs ou fédérations, posent aussi
question.
Et le débat dépasse le sport: alors que la future loi
sur le renseignement fait polémique, la LDH juge que "l'Intérieur
peaufine son fichage généralisé de la population" avec le fichier
"STADE", "dans une sorte de boulimie dont les libertés individuelles
sont les premières victimes".
. Est-ce un cadeau fait au PSG ?Les détracteurs du fichier
fustigent aussi un dispositif taillé sur mesure pour le PSG, qui refuse
régulièrement l'accès aux matches de ses équipes à des supporters non
interdits de stade mais jugés "indésirables".
En janvier 2014, la
Cnil a pourtant refusé au club le droit d'utiliser une liste de plus de
2000 personnes "considérées par le PSG comme ayant un comportement non
conforme aux valeurs du club".
Le fichier STADE est-il alors un moyen détourné offert au PSG pour continuer à trier ses supporters ?
Pour la Cnil, non. Ce fichier "n'est pas un fichier de gestion des supporteurs du PSG".
"Dans
la mesure où la Préfecture de Police de Paris est compétente sur le
territoire parisien, le fichier est bien sûr compétent pour le PSG, mais
pas seulement (...) Par exemple, les matchs du Stade Français sont
également pris en compte", a expliqué l'instance à l'AFP.
Pour
Michel Tubiana en revanche, il s'agit d'"une volonté de légaliser de
manière détournée un fichier illégalement constitué par le PSG".
Nicolas
Hourcade, sociologue à l'Ecole Centrale de Lyon et spécialiste des
supporters, pointe lui un arrêté qui "arrive à point" pour que le PSG
"rentre dans les clous".
"Les pouvoirs publics doivent lutter
contre le racisme et la violence autour des matches du PSG et coopérer
avec le club. En revanche, ils ne doivent pas se mettre à son service
pour l'aider à trier son public", a-t-il estimé auprès de l'AFP.
(AFP)
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