Comment assurer l'égalité de traitement entre les associations sportives par les collectivités ? Quels critères d'attribution des subventions mettre en place pour assurer cette égalité ? Voilà quelques-unes des questions auxquelles tentera de répondre Eric Vidal, avocat au cabinet Fidal, partenaire de l'Andes, lors du congrès de l'Association nationale des élus en charge du sport, les 3 et 4 juin à Bourges. En avant-première pour Localtis, maître Vidal présente ses réflexions sur le sujet.
Localtis - De quand datent les premières contestations sur les subventions de la part d'associations sportives ?
Eric Vidal - Il y a bientôt dix ans sont
arrivées les premières jurisprudences à travers lesquelles on a condamné
la position d'un maire qui n'accordait pas de créneaux horaires à une
association. C'est un phénomène récurrent qui donne de plus en plus lieu
à des contestations de la part d'associations qui s'estiment victimes
d'un traitement discriminant ou d'une rupture d'égalité.
Dans quelles conditions constate-t-on ces contestations ?
Les collectivités sont confrontées à une difficulté lorsqu'elles ont
un nombre d'équipements réduit et font face à une demande croissante par
le jeu de la vie associative, où l'on constate des scissions, des
créations d'associations. Or toutes sont habilitées à demander l'usage
d'un équipement sportif. En 2007, à Blagnac, où a eu lieu la première
affaire qui a fait jurisprudence, à la suite de la scission d'une
association en deux, le maire avait été tenté de limiter les créneaux
horaires pour inciter les associations à se regrouper et à mieux
s'organiser pour mieux répondre à la demande de la population.
Comment les collectivités peuvent-elles appréhender le risque de contestation ?
Le sujet est de savoir quelle position la mairie peut avoir face à
une demande et quels sont les critères de choix si tant est qu'il y en
ait. Finalement, la jurisprudence est assez sévère, elle dit qu'on ne
peut pas choisir de soutenir une association en lui attribuant des
créneaux horaires qu'on n'attribuerait pas aux autres. La municipalité
doit suivre le principe de la bonne administration des propriétés
publiques. Si celui-ci permet à la commune de mettre en place sa règle
en matière de mise à disposition des équipements sportifs, il n'est pas
suffisant pour exclure une association, car au-delà de ce principe, il
existe un principe d'égalité qui a valeur constitutionnelle. Ce principe
est cependant modulable dans le cas où l'on a affaire à deux situations
différentes.
Pouvez-vous donner un exemple de cette modularité ?
Quand une association ou un service municipal instaure une
différenciation tarifaire dans l'accès à un service, il ne s'agit pas
forcément d'une rupture d'égalité. Quand l'équipement est financé par le
budget municipal, il est normal que le contribuable local paie un tarif
différent que le contribuable d'une autre commune. Une discrimination
en fonction des ressources de l'usager est également admise.
Existe-t-il un lien entre l'octroi d'une subvention et la mise à disposition d'un équipement ?
On a tenté d'instaurer un lien entre les créneaux horaires dans les
équipements publics et la subvention, partant du principe que seule
l'association subventionnée serait éligible à l'attribution de créneaux
horaires. Mais des jurisprudences récentes écartent l'idée de permettre
l'usage d'un équipement sportif communal aux seules associations
subventionnées.
Quelles recommandations pouvez-vous suggérer à une
municipalité pour lui éviter d'être taxée de favoriser telle ou telle
association ?
Il faut prévoir en amont une grille de critères permettant de mesurer
le montant de la subvention, ou son rejet. Cela permet d'afficher une
transparence totale à l'égard des associations et d'éviter des
contestations sur les montants alloués. Ces critères peuvent porter sur
le nombre de licenciés, qui est un critère objectif dans l'attribution
et le montant de la subvention, ou encore le nombre d'enfants
accueillis, le nombre d'encadrant diplômés, le nombre de seniors, le
respect de la mixité, etc. Sur l'utilisation d'un dojo municipal, une
jurisprudence récente a souligné l'illégalité de la décision du maire
qui avait refusé l'accès à l'équipement sans motiver suffisamment cette
décision. De plus, l'existence de critères écrits facilitera le travail
des services qui instruisent les demandes de subventions.
Dans certains cas, une convention d'objectifs avec l'association bénéficiaire d'une subvention est par ailleurs obligatoire…
Oui, dès lors que la subvention dépasse 23.000 euros, une convention
d'objectifs écrite est obligatoire. Mais attention, ces conventions ne
doivent pas faire courir le risque d'une requalification en marché
public. Si la convention fait apparaître qu'en contrepartie de la
subvention l'association doit accomplir telle ou telle tâche précise et
ciblée, on risque de retomber dans les règles de la commande publique.
Que doit donc fixer cette convention ?
Elle doit fixer dans des termes assez généraux le montant de la
subvention, les objectifs que l'association doit poursuivre, et prévoir
la traçabilité et le contrôle de l'usage des fonds publics.
L'association doit de son côté pouvoir justifier à la première demande
l'usage qu'elle aura fait de la subvention. Et attention, on doit
intégrer dans le seuil de 23.000 euros de subvention les prestations en
nature. Mais même si on n'atteint pas le seuil de 23.000 euros, je
conseillerais de rédiger une convention rappelant ses obligations à
l'association. La convention peut aussi intégrer la mise à disposition
d'équipement.
A propos d'équipement, l'Andes travaille depuis
longtemps sur la question de la redevance d'utilisation. Quels conseils
donneriez-vous en la matière ?
Au profit d'une association qui poursuit un but d'intérêt général, on
peut mettre un équipement à disposition sans exiger de redevance. En
revanche, lorsque l'association tire des recettes importantes de
l'équipement, elle doit verser une redevance. Le juge trouve anormal
qu'un bien soit mis à disposition gratuitement tout en permettant au
club d'encaisser des recettes commerciales.
Pour conclure, pensez-vous que les élus sont suffisamment armés pour faire face à toutes ces exigences ?
Il y a une constante pédagogie à exercer. A chaque changement
d'équipe municipale, les nouveaux élus doivent s'imprégner de ces
règles. Mais en général, ils connaissent le monde associatif, ils en
sont parfois issus… ce qui peut poser des problèmes, quand un élu est
également président d'une association et se voit verser une subvention,
par exemple. Il faut prêcher sans arrêt la bonne parole pour rappeler
les principes à respecter. Car dans le cadre de la judiciarisation de la
société, on peut s'exposer à des recours.(Localtis)
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