mardi 18 mars 2014

Sport reconnu depuis la falaise, le "base jump" en ville embarrasse la discipline

Peu avant minuit, une habitante d'un immeuble du sud-ouest de Paris voit chuter un homme devant sa fenêtre, au 21e étage. Il ne s'agit ni d'un suicide ni d'un accident, mais d'un sport extrême.

En fait, "ils étaient trois. Une fois en bas, ils ont plié très vite leurs parachutes, grimpé dans une voiture et démarré à toute allure", déclare cette Parisienne à l'AFP.
Le "base jump", ou saut en parachute depuis un point fixe naturel ou artificiel, est apparu en France dans les années 80, en provenance des Etats-Unis. A l'époque, on sautait surtout d'immeubles et de ponts, jugés plus sécurisants que la montagne.
Avec l'évolution du matériel et des techniques, le saut depuis les falaises a pris le pas sur le frisson depuis les hauteurs urbaines et constitue désormais une discipline à part entière, le paralpinisme, reconnu comme sport de montagne.
Les sauts en ville, devenus marginaux, sont eux strictement interdits, mais le témoignage de cette femme éberluée en atteste, ils subsistent.
"En ville, on peut sauter de tout ce qui fait plus de 60 mètres. Il ne doit pas y avoir de vent et la voie en-dessous doit être dégagée. Pas de lampadaires, etc. On essaie d'accéder au toit ou d'escalader la façade sans l'endommager", explique Rodolphe, 1.200 sauts urbains et naturels à son actif, soit environ 15 heures passées en l'air.
Des vidéos sur YouTube immortalisent ainsi des sauts depuis la tour Eiffel, la tour Montparnasse ou des immeubles du quartier d'affaires de La Défense. Généralement, les sauts ont lieu à la nuit tombée et sont suivis d'une fuite pour éviter les représailles.
Ces sauts illégaux sont pourtant mal vus dans une discipline qui voudrait se défaire des clichés d'irresponsabilité et dont les adeptes sont souvent qualifiés de têtes brûlées. En 2005, un Norvégien de 31 ans avait trouvé la mort en sautant en parachute de la tour Eiffel.
"J'ai fait mes premiers sauts d'un pont de 105 mètres. C'est idéal de commencer d'un pont. J'ai aussi sauté illégalement d'un building, mais franchement, je déteste le stress lié à cela. Je préfère clairement voler tranquillement dans mes montagnes depuis de belles falaises, sans peur de représailles ridicules de la police parce que l'on se fait plaisir", explique l'athlète suisse Géraldine Fasnacht.
"Ce n'est pas l'image qu'on veut donner de notre sport. Ceux qui sautent en ville le font surtout parce qu'ils y habitent, mais je vous assure que 90% des sauteurs préfèrent les falaises", assure lui aussi Roch Malnuit, président de l'Association française de BASE Jump.
"Tout semblait calculé, ils étaient visiblement très pro. Mais ça peut donner des idées à des gens beaucoup moins bons", s'inquiète l'habitante de l'immeuble parisien dont se sont élancés trois base-jumpers.
Le base jump nécessite en effet une longue préparation et du matériel adapté.
"Il faut avoir effectué 250 à 300 sauts d'avion avant de pouvoir commencer. Cela peut durer des années et représente un vrai budget: un saut d'avion coûte environ 35 euros et un parachute en moyenne 2.500 euros. Il y a des gens qui voudraient faire un saut juste pour mettre une vidéo sur YouTube...", regrette Jean-Philippe Gady, président de l'Association de paralpinisme.
Les GoPro, petites caméras que les sportifs s'accrochent à la tête pour filmer leurs exploits et les partager en ligne, ont fait "beaucoup de mal", confiait à l'AFP en 2013 l'alpiniste Erich Beaud qui, il y a trente ans, a été un des pionniers du base jump en France.
"Aujourd'hui, beaucoup de gens qui n'y connaissent rien veulent acheter de l'équipement. Mais quand certains font des bêtises ça pénalise toute la communauté", regrette M. Malnuit.

(AFP)

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Journaliste spécialisé dans l'actualité sportive, j'ai collaboré, entre autres, à So Foot, Libération, Radio France Internationale. Aujourd'hui, je suis particulièrement les politiques sportives au plan national et dans les collectivités locales pour Localtis.