Les plaintes s'accumulent au parquet de Paris contre de puissants
personnages du Qatar, dont la dernière, déposée mercredi, vise l'émir
lui-même, accusé par l'ex-entraîneur de foot français d'un club qatari
d'avoir couvert une rupture abusive de contrat quand il était président
du comité national olympique.
"Plainte
a été déposée aujourd'hui au pôle financier du parquet de Paris au nom
de notre client Stéphane Morello contre le CNO en la personne de son
président, Son Altesse le cheikh Al-Thani, pour recel d'escroquerie,
conditions de travail contraires à la dignité et tentative d'extorsion
de fonds", a déclaré son avocat, Me Frank Berton, du barreau de Lille.
Ce
dossier présente des similitudes avec ceux de deux autres Français
ayant travaillé au Qatar, concernant cette fois le ministre de la
Défense et un membre de la famille régnante.
Dans chaque cas,
l'affaire a commencé, selon les plaignants, par le non respect d'un
accord, suivi, si la personne concernée se rebiffait, de menaces de
l'empêcher de sortir du pays ou d'être incarcéré.
Stéphane Morello, recruté par le Al-Shahaniya Sport Club, avec pour parrain le comité national olympique du Qatar, présidé par le cheikh Tamim Ben Hamad Al-Thani, a été payé de l'été 2007 à l'été 2008.
C'est alors que son contrat, selon son avocat, a été unilatéralement rompu, et qu'il n'a plus été payé pendant trois mois.
Toujours
sous le parrainage du CNO du Qatar, M. Morello a été de nouveau
recruté, à compter du 22 octobre 2008, par un autre club, le Al-Shamal,
qui, cette fois, a interrompu tout paiement dès la fin décembre de la
même année.
Toujours selon Me Berton, ayant réclamé son dû,
Stéphane Morello s'est vu interdire de quitter le pays. Sans visa de
sortie et privé de ressources, il s'est trouvé alors sous pression du
CNO qui lui réclamait 250.000 euros en compensation du logement qu'il
devait lui fournir gratuitement par contrat.
Finalement, en
octobre 2013, l'entraîneur français signera une reconnaissance de dette
du même montant, en présence selon Me Berton, de représentants de
l'ambassade de France, afin d'obtenir un transfert de parrainage.
Le
lycée Bonaparte, où travaille sa compagne, est alors devenu son sponsor
officiel à la place du CNO qatari, la loi exigeant un parrain pour tout
étranger voulant travailler au Qatar.
Le président du comité olympique du Qatar de l'époque est entre-temps devenu l'émir en juin 2013.
Me
Berton a confirmé par ailleurs qu'un juge d'instruction parisien avait
été saisi en février, après le dépôt de plaintes par deux autres
Français, le footballeur Zahir Belounis et l'homme d'affaires Nasser
Al-Awartany, également retenus au Qatar contre leur gré pendant des
mois, faute de visa de sortie.
La Military Sport Association, le
club qui avait enrôlé Zahir Belounis en 2007, a pris en juin 2011 le nom
d'Al-Jaish Sport Club, présidé par le chef d'état-major et ministre
qatari de la Défense, Hamad Ben Ali Al-Attiyah.
Le même scénario
s'est reproduit, Zahir Belounis s'est trouvé sans salaire en 2012. Ayant
porté plainte contre le club en février 2013, il a été retenu pendant
près d'un an au Qatar, jusqu'à ce qu'un visa de sortie lui soit accordé
et qu'il puisse regagner la France en novembre 2013.
Ces deux
affaires jettent une lumière crue sur la manière dont peuvent être
traités joueurs et entraîneurs étrangers dans le secteur du football au
Qatar, alors que l'émirat doit accueillir la Coupe du monde en 2022.
Viennent s'ajouter à ces contentieux les polémiques à propos des
conditions de travail des ouvriers construisant les stades ou à propos
des méthodes dont le Qatar a usé pour convaincre la FIFA de le désigner,
malgré la chaleur qui y règne, comme site du Mondial.
Un
troisième Français défendu par Me Berton, l'entrepreneur français,
Nasser Al-Awartany a attaqué en justice un cousin de l'émir, Mansoor
Jassim Thani Jassim Al-Thani, pour escroquerie et abus de confiance,
dans une affaire d'investissement immobilier, et tentative d'extorsion
de fonds.
Le parquet de Paris, a dit Me Berton, a également donné
suite et désigné le même juge d'instruction que celui chargé de la
plainte de M. Belounis.
(AFP)
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