Partagés entre fierté d'accueillir la compétition sportive la plus
populaire d'Afrique et inquiétude face à l'épidémie de fièvre Ebola, les
Equato-Guinéens s'interrogent sur l'opportunité d'organiser la Coupe
d'Afrique des nations de football (CAN-2015) du 17 janvier au 8 février.
"La
décision d'accueillir la CAN dans ces délais, je trouve que c'est peu
responsable, on ne devrait pas l'accepter. Il fallait un peu plus de
prudence: je doute fort de la capacité organisationnelle du pays et il y
a Ebola", a déclaré à l'AFP Alfredo Okenvo, dirigeant associatif à
Bata, la deuxième ville de Guinée équatoriale, joint par téléphone depuis Malabo, la capitale de ce petit pays d'Afrique centrale.
Après
la mise à l'écart du Maroc qui demandait une report du tournoi en
raison de l'épidémie de fièvre Ebola en Afrique de l'ouest, la
Confédération africaine de football (CAF) a choisi vendredi dans la
précipitation la Guinée équatoriale pour organiser la compétition, dans à
peine deux mois.
- Ebola contre retombées financières -
"La décision du Maroc, qui est supérieur à nous en matière
d'infrastructures de football et de santé, a été prudente et
responsable, alors si la Guinée équatoriale a déjà pris la CAN, je ne
sais pas s'il y a des contacts avec les pays avancés en médecine", s'est
interrogé M. Okenvo.
A contrario, Agnès Esidang, commerçante à
Malabo, se réjouit déjà: "La CAN ici, c'est une bonne nouvelle, ça veut
dire qu'il y aura les entrées (des supporteurs) et nous qui avons les
bars on aura beaucoup de clients."
Le débat est posé. Entre
craintes d'une éventuelle arrivée du virus Ebola et retombées
financières de la compétition. Et aussi fierté nationale.
Il y a
moins de vingt ans encore, avant les découvertes de gisements
pétroliers, la Guinée équatoriale, miséreuse et se relevant à peine
d'une histoire sanglante, était regardée avec dédain par ses voisins. Et
les "Equatos" comme on les appelait avec condescendance en Afrique
centrale étaient contraints à l'immigration dans les pays voisins pour
survivre: femmes ménagères et hommes à tout faire. Souvent sous les
quolibets, au Gabon ou au Cameroun.
- Revanche sur l'histoire -
Aussi, organiser la CAN seule - le pays l'a déjà co-organisée en
2012 avec le Gabon -, constitue une forme de revanche sur l'histoire.
Malgré les doutes.
"Je ne suis pas d'accord, la CAN marche avec
beaucoup de gens et il y a encore Ebola, moi j'ai les enfants et la
famille", dit Brigida Bidang, jeune infirmière mère de deux enfants.
Pour
Agustin Masoko Abegue, porte-parole du Congrès national de Guinée
équatoriale (opposition), "cette décision a été prise à la légère". "Le
Maroc a vu les conséquences (...) Je pense qu'on ne devait pas accepter
de prendre cette CAN, mais si on a déjà accepté, la décision est déjà
là. On connait déjà les gens qui seront responsables de ce qui peut se
passer au futur", prévient-il.
Du côté des soutiens du pouvoir, la
tonalité est évidemment différente. "Je salue cette décision du
président Teodoro Obiang Nguema d'accueillir la CAN. La CAF s'est
retrouvée dans une situation délicate après le désistement du Maroc. Je
me réjouis de cette décision de la Guinée équatoriale, et je félicite et
encourage le président équato-guinéen à maintenir l'élan de la
solidarité agissante africaine que nous prônons", a ainsi scandé
Souleymane Anta Ndiaye, président du Forum de la renaissance africaine
(Fora), reprenant à son compte la phraséologie d'un régime régulièrement
sous le feu des organisations de défense des droits de l'Homme pour sa
répression de l'opposition et des médias.
(AFP)
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