Vainqueur dimanche du prologue de la sixième édition du Tour du
Rwanda cycliste, Janvier Hadi, était encore il y a trois ans vélo-taxi.
Sa montée en puissance est à l'image de la petite reine dans son pays:
parti de loin, il progresse avec constance.
Le rêve de Janvier
Hadi, 23 ans, issu d'une famille de modestes cultivateurs, a pris forme
en 2011. "J'ai appris qu'il y avait une course pour vélos à pignon fixe à
Butare (sud), je me suis dit qu'il fallait que je participe, pour
essayer, et finalement, j'ai gagné", se souvient-il.
C'est à l'issue de cette course que le jeune homme, coiffé de petites dreadlocks, est repéré et rejoint l'équipe nationale.
"Lorsque
j'ai commencé, je pensais que j'étais trop jeune. Je voyais les
coureurs plus âgés et je me disais que je n'aurais jamais autant de
force qu'eux", sourit-il, vêtu de son maillot jaune, assis dans la
cafétéria d'un hôtel de Kigali, après sa victoire dimanche dans le
prologue.
Le cyclisme au Rwanda, comme en Afrique, se développe. Pourtant, le pays est parti de loin.
"On
a commencé avec cinq coureurs et des vélos des années 1980 à cinq
vitesses, dont la plupart ne fonctionnaient pas, c'étaient des épaves",
se souvient Jonathan Boyer, ancien coureur américain devenu en 2006
entraîneur de la première équipe rwandaise, Rwanda Karisimbi.
"C'étaient des vélos laissés par les Belges", anciens colonisateurs.
- 19.500 m de dénivelé -Le
cyclisme au Rwanda "n'avance pas vite mais progresse petit à petit",
analyse-t-il, expliquant que la plupart de ses coureurs sont d'anciens
chauffeurs de vélo-taxi, moyen de transport très répandu sur les
collines rwandaises.
"Le cyclisme rwandais est encore très jeune", renchérit Aimable Bayingana, président de la fédération rwandaise. "On est en train de le construire, on évolue en même temps que le Tour du Rwanda".
La fédération rwandaise ne compte pour l'instant qu'une centaine de membres.
Mais
le pays a ouvert en juin un nouveau centre d'entraînement à Musanze
(nord) doté d'équipements modernes, qu'il aimerait développer en centre
d'entraînement pour l'Afrique.
Le Tour du Rwanda s'impose peu à peu quant à lui comme une étape incontournable des circuits du continent.
Selon
les spécialistes, il est déjà le plus difficile d'Afrique. Pendant huit
jours, dans un décor de plantations de café, de thé et de bananeraies,
les coureurs bataillent sur un parcours de 934 km, avec 19.500 m de
dénivelé et des pics culminant à 2500 mètres.
Quatorze équipes ont pris le départ cette année, dont trois européennes - une française, une suisse, une allemande.
Le
succès est sportif, mais également populaire. Les organisateurs
attendent plus de 2 millions de spectateurs, soit près d'un cinquième
des 11 millions d'habitants.
Le capitaine de l'équipe du Cameroun
(SNH), Damien Tekou, rêve que "l'Afrique puisse faire bientôt parler
d'elle dans le cyclisme mondial".
- "Enormément de talents" -Un objectif réaliste pour Yves
Beau, directeur sportif de l'équipe allemande Bike Aid - dont le coureur
érythréen, Mekseb Debesay, est en lice pour la victoire finale au
classement de l'Africa Tour de l'UCI.
Le cyclisme africain est de
plus en plus structuré, comme le montre la multiplication des
compétitions aux quatre coins du continent, et possède un indéniable
potentiel.
"Les coureurs africains manquent encore beaucoup de
moyens, un vélo ça coûte très cher en Afrique", dit-il. Mais si dans les
années à venir, "on leur apporte les moyens en matériel pour
progresser", poursuit-il, "je pense qu'ils ont vraiment des qualités
pour faire de très bons cyclistes".
Jonathan Boyer le confirme:
des pays comme le Rwanda, l'Ethiopie ou l'Erythrée recèlent "énormément
de talents". Mais il faut que les pays africains eux-mêmes prennent la
discipline "au sérieux" et investissent davantage.
D'autant qu'au
Rwanda, l'apport du cyclisme peut dépasser le simple côté sportif. Pour
Janvier Hadi, il peut permettre de montrer une nouvelle image d'un pays
marqué il y a tout juste vingt ans par un génocide qui, en à peine cent
jours, a fait 800.000 morts selon l'ONU.
"Un peu comme au Kenya,
les gens parlent de leurs coureurs (de fond) donc nous au Rwanda nous
devons avoir de bons cyclistes", dit Janvier Hadi.
(AFP)
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