Le football français va maintenant évaluer les dégâts après le
passage de la tempête judiciaire, avec une affaire de matches présumés
truqués sans doute plus dommageable à moyen terme que le volet des
transferts suspects à l'OM.
. Le foot dans la gueule des "Crocos"
Six personnes ont été
mises en examen jeudi soir pour corruption active ou passive dans une
affaire de matches présumés truqués. Parmi eux, deux présidents de clubs: Jean-François Fortin (Caen, L1) et Jean-Marc Conrad (Nîmes,
L2), désormais frappés d'une interdiction d'exercer. Conrad a aussi
démissionné vendredi pour "consacrer toutes (s)es forces et (s)on
énergie à (s)e défendre face à des accusations aussi injustes
qu'infondées".
Cette affaire -les dirigeants du Nîmes Olympique
sont soupçonnés d'avoir arrangé ou tenté d'arranger des matches de L2 la
saison passée pour éviter une relégation- est dévastatrice en termes
d'image. Le foot est passé en une semaine des pages des quotidiens
sportifs à celles des romans noirs.
En enquêtant sur un autre
dossier, le cercle de jeux parisien Cadet, la justice a déroulé le fil
des activités de Serge Kasparian, actionnaire principal des "Crocodiles"
nîmois. Ce dernier a reconnu la teneur d'écoutes téléphoniques publiées
par le Canard enchaîné et qui sont édifiantes.
Par exemple celles
autour de Caen-Nîmes le 13 mai (match en retard de la 28e journée de
L2). Le résultat (1-1) avait fait les affaires des deux clubs, Caen
montant ensuite en L1 tandis que Nîmes assurait son maintien en L2.
Extraits.
Question de Fortin: "Toi c'est un point aussi (qu'il te faut ?)."
Réponse de Conrad: "Ouais, il nous faut un point, voilà." Et Fortin de
poursuivre: "Ben, si on n'est pas trop cons, hein ?"
Pour parachever le tableau, le Canard enchaîné précise qu'après cette rencontre le président de Nîmes a "fait déposer à la porte du vestiaire caennais 24 cartons de 12 bouteilles de vin".
"Si
les faits sont avérés, il faudra prendre des sanctions exemplaires pour
dissuader ce type de dérapages", a déclaré à l'AFP le ministre des
sports Patrick Kanner.
La Ligue de foot professionnel (LFP), craignant qu'un "poison mortel" ne se distille, selon les mots de son président Frédéric Thiriez, a quant à elle calé ses pas sur ceux de la justice.
Sa commission de discipline a décidé de se saisir du dossier. C'est une
bombe à retardement sur le plan sportif, puisque dans l'éventail des
sanctions, les plus lourdes vont pour les clubs jusqu'à la
"rétrogradation en division inférieure", ou encore à "l'exclusion ou
refus d'engagement dans une compétition".
"L'organe disciplinaire
fixe la date d'entrée en vigueur des sanctions et ses modalités
d'application", précise le règlement disciplinaire de la FFF, dont
dépend la LFP.
. Secousse à l'OM, mais pas de séismeContrairement à
l'affaire de Nîmes, les gardes à vue dans le cadre de transferts
présumés frauduleux des dirigeants actuels (Vincent Labrune) et passés
(Pape Diouf, Jean-Claude Dassier) de Marseille n'ont pas débouché sur
des mises en examen.
La remise en liberté de la quinzaine de
gardés à vue ne veut pas dire qu'il n'y aura pas de suite judiciaire.
Mais se dessine déjà la mise en cause de certains agents troubles dont
le foot a du mal à se débarrasser.
L'enquête, selon les sources
proches du dossier, souligne ainsi une certaine "porosité entre des
agents de joueurs respectables et des agents qui le sont moins". Cette
profession et ces multiples intermédiaires pourraient être prochainement
la cible des investigations du juge Christophe Perruaux. Ce dernier
"s'intéresse à des transferts sur lesquels il y a des doutes sur la
réalité du prix payé ou des facturations", avance une source.
Pour
la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ), l'ombre des
rétro-commissions plane notamment sur le transfert de l'attaquant
André-Pierre Gignac, de Toulouse à Marseille en août 2010 pour une somme
avoisinant les 20 millions d'euros.
"L'enquête financière se
poursuit" et s'oriente notamment "sur de possibles faits d'extorsions"
et sur "des individus proches du Milieu" régional, confie une source. Là
aussi, le mal est fait en termes d'image.
"Ce qui inquiète à
juste raison les juges de Marseille, c'est qu'ils pensent que des
mafieux ont infiltré le milieu des agents et qu'il s'y passe des choses
anormales. Et ça, c'est probable en effet. Un certain nombre de noms qui
circulent feraient mieux d'être ailleurs. Donc il faut assainir ce
milieu", a ainsi lâché Dassier sur I-télé après avoir été remis en
liberté.
La question des agents n'est pas seulement française, mais mondiale. Dans son livre "Parlons Football", Michel Platini, président de l'UEFA, écrit que l'activité d'agent "doit être clarifiée". "Plus le
football est enraciné dans l'économie, plus la relation qu'il
entretient avec celle-ci comporte deux impératifs: transparence et
indépendance".
(AFP)
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