Le Maroc, qui a refusé d'organiser en janvier la CAN-2015 en raison
du risque Ebola, a fait prévaloir la santé de ses citoyens mais a aussi
pu vouloir prémunir son tourisme d'un scénario catastrophe, estimant que
son image n'en serait pas altérée sur le continent.
"Tout pays a
le droit de garantir la sécurité de ses citoyens", a répété mardi le
ministre des Sports, Mohammed Ouzzine, dans une rare réaction officielle
à la décision de la Confédération africaine (CAF) de lui retirer
l'organisation du premier rendez-vous sportif du continent.
Malgré
le refus catégorique de la CAF d'envisager un report, le Maroc n'a pas
bougé d'un iota depuis sa demande initiale le 10 octobre, s'accrochant
au "cas de force majeure sanitaire" que représente selon lui l'épidémie
d'Ebola, avec ses plus de 5.000 morts, principalement en Afrique de
l'Ouest.
Le royaume, qui devait abriter la CAN pour la deuxième
fois seulement, se trouve privé du statut de "capitale du sport
africain" que lui aurait conféré durant près d'un mois la compétition.
Sa sélection, qui devait participer au titre de pays hôte, a été
disqualifiée et d'autres sanctions pourraient suivre.
Mais
l'encadrement des Lions de l'Atlas --le nom de l'équipe nationale-- et
la plupart des Marocains semblent faire contre mauvaise fortune bon
coeur. "La santé du peuple passe avant tout (...) le gouvernement a très
bien fait", a réagi le sélectionneur-adjoint, Mustapha Hadji, une
ancienne gloire du football national.
Du point de vue sanitaire,
le dispositif mis en place par le Maroc pour contrer Ebola a été salué
pour son efficacité. Et le pays, où aucun cas de ce virus n'a été
signalé, s'est fait fort de maintenir l'intégralité de ses liaisons
aériennes avec les pays touchés.
Le royaume, qui manque de 7.000
médecins et 9.000 infirmiers selon des chiffres officiels, a toutefois
pu craindre que son dispositif sanitaire soit fragilisé, dans le cas
d'une arrivée massive de supporteurs.
- "Perdre 90% de tourisme"-
Si la protection de ses citoyens est l'unique argument avancé,
d'autres considérations ont cependant pu peser, en particulier la santé
de son secteur touristique, qui pèse environ 10% du PIB.
Le Maroc,
qui vise 20 millions de visiteurs par an d'ici 2020 (contre 10 millions
en 2013), aurait pu tirer profit de la tenue de la compétition à une
période "où l'affluence touristique est généralement faible", remarque
Moncef Lyazghi, chercheur en politiques sportives.
Selin lui, la
CAN aurait aussi "renforcé la confiance dans les capacités
d'organisation d'événements internationaux" par le royaume, qui garde
l'ambition d'abriter à moyen terme une Coupe du monde.
Mais, d'un
autre côté, "si un cas ou deux d'Ebola venaient à être signalés au
Maroc, cela aurait un impact négatif majeur", souligne M. Lyazghi.
"Imaginez
qu'il y ait Ebola au Maroc, on perdrait 90% du tourisme !", s'est
lui-même exclamé Mustapha Hadji, pour justifier son soutien à la
décision.
Ces menaces ont-elles convaincu le Maroc de prendre le risque de voir son image écornée sur le continent ?
Le
Maroc "n'a pas tenu compte de la déception des Africains", a affirmé
sur France 24 l'international ivoirien de Manchester City Yaya Touré,
l'une des vedettes africaines évoluant en Europe.
Sur son compte
Twitter, le directeur de l'Institut de relations internationales et
stratégiques (IRIS), Pascal Boniface, a estimé que la décision du Maroc
aurait "de lourdes conséquences dans les relations entre Rabat et les
pays d'Afrique subsaharienne".
Cette idée est toutefois réfutée
par El Hassan Boukantar, professeur de droit international à Rabat: "Il
faut séparer les registres sportifs et diplomatiques (...) Le Maroc est
fortement engagé sur la scène africaine et le restera".
A ce jour,
le royaume est le deuxième investisseur africain sur le continent. Sur
les cinq dernières années, plus de la moitié de ses investissements
directs à l'étranger (IDE) ont ainsi concerné l'Afrique, pour un montant
d'un milliard et demi d'euros, selon l'Office nationale des changes.
Jeudi, le président gabonais Ali Bongo, dont le pays a été cité pour reprendre
l'organisation de la CAN-2015, est arrivé au Maroc, dans le cadre d'un
nouveau séjour privé.
(AFP)
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