jeudi 27 novembre 2014

L’exonération fiscale des grandes compétitions rejetée par les députés

Un amendement de la députée socialiste Valérie Rabault a écarté la possibilité d'étendre au delà de l'Euro-2016 de football l'exonération fiscale en faveur des organisateurs de grandes compétitions sportives internationales. La mesure, qui doit encore être débattue en séance publique à l'Assemblée nationale, suscite un tollé au sein du mouvement sportif.
L’exonération de tout impôt (hors TVA) en faveur de l’Euro-2016 de football était passée inaperçue il y a quatre ans et demi, quand la France n’était encore que candidate à son organisation. Le 3 novembre, le ministre des Sports Patrick Kanner a non seulement confirmé ce cadeau mais a annoncé qu’il serait étendu à toutes les grandes compétitions sportives internationales à travers une disposition insérée dans le projet de loi de finances rectificative. La mesure a aussitôt créé la polémique jusque dans les rangs de la majorité. Mercredi 26 novembre, la commission des Finances de l’Assemblée nationale a voté un amendement limitant cette exonération à la seule UEFA pour l’Euro-2016. 

« Chantage »

Si l’avantage consenti en son temps à l’UEFA (estimé à quelque 200 millions d'euros) pour gagner l’organisation de la troisième plus importante compétition sportive mondiale est maintenu de façon à honorer la parole de la France, les députés entendent éviter d’instaurer « un régime fiscal dérogatoire pour tous les événements sportifs internationaux ». Selon Valérie Rabault (PS), à l’origine de cet amendement, cette mesure ne va pas « diminuer l'attractivité de la France comme terre d'accueil de grands événements sportifs, qui a su par le passé organiser la coupe du monde de football en 1998 ou la coupe du monde de rugby en 2007, sans mettre en place un régime fiscal dérogatoire ». La députée socialiste Karine Berger a, elle, parlé de « chantage ». Mais l’idée d’une exonération fiscale pour les grands événements sportifs internationaux irrite bien au-delà du PS. Pour l'écologiste Eva Sas, cette niche fiscale est « particulièrement choquante par rapport aux efforts faits par les contribuables français ». Quant à l’ancienne ministre des Sports, la communiste Marie-George Buffet, elle a estimé que « l'Etat semble vouloir s'imposer une nouvelle norme pour obtenir de nouveaux événements sportifs plutôt que de travailler à rationaliser ces normes ».
Régis Juanico (PS), rapporteur des crédits de la mission Sport, a, lui, défendu la mesure gouvernementale. Il y voit un cadre et une source d'équité entre l'ensemble des événements sportifs internationaux, et juge par ailleurs nécessaire un débat avec les instances internationales sur la question des cahiers des charges des compétitions, toujours plus exigeants. Le député UMP Jean-François Lamour, ancien ministre des Sports, a lui aussi défendu l’exonération fiscale : « Soit on accompagne les fédérations internationales, soit on prend la responsabilité de ne plus organiser d'événements de ce niveau en France. » 

« Signal négatif »





Au-delà de la sphère politique, ce revirement fait également réagir. Alors que le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) et plusieurs présidents de fédérations avaient soutenu l’extension de l’exonération fiscale, l’annonce de sa limitation au seul Euro-2016 les a refroidis. Joël Delplanque, président de la Fédération française de handball, s’est dit « consterné ». Bernard Lapasset, président du Comité français du sport international (CFSI) chargé notamment d'étudier la faisabilité d'une candidature olympique en 2024, a estimé qu’il s’agissait d’un « signal négatif » à l'adresse du monde du sport et du CIO en particulier. «Il faut arrêter de dire que c'est un cadeau fiscal, a  expliqué M. Lapasset. Un grand événement sportif, c'est un outil [...] extraordinaire pour dégager de l'emploi, de l'intégration, de la cohésion. Il est nécessaire de définir une stratégie fiscale qui va avec ce genre d'événements, proportionnelle à leurs enjeux. »
L’amendement limitant au seul Euro-2016 le bénéfice de l’exonération doit encore être discuté en séance publique à l’Assemblée nationale la semaine prochaine. Bernard Lapasset et Denis Masseglia, président du CNOSF, vont mettre à profit ce délai pour écrire aux députés afin de les sensibiliser à leur cause.

(RFI)

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Journaliste spécialisé dans l'actualité sportive, j'ai collaboré, entre autres, à So Foot, Libération, Radio France Internationale. Aujourd'hui, je suis particulièrement les politiques sportives au plan national et dans les collectivités locales pour Localtis.