Le Qatar a aménagé sa loi sur les travailleurs étrangers sans
remettre fondamentalement en cause la "kafala", assimilée à de
l'esclavage moderne par des organisations de défense des droits de
l'Homme et syndicales mobilisées dans la perspective du Mondial 2022.
Ce
système de "parrainage" (en arabe) interdit à tout travailleur étranger
de quitter le pays sans l'accord de son employeur et le prive de la
possibilité de changer d'emploi.
Après la promulgation mardi soir
de la nouvelle loi de l'émir du Qatar, cheikh Tamim ben Hamad Al-Thani,
des voix se sont élevées pour dire que ces modifications, qui
n'entreront en vigueur qu'en 2017, ne changeront en rien la situation
des travailleurs sur les nombreux chantiers de ce riche émirat gazier,
notamment ceux liés au Mondial-2022 de football.
Pour Sharan
Burrow, secrétaire générale de la Confédération syndicale internationale
et critique virulente du Qatar, la nouvelle loi n'est qu'un
"simulacre". Elle "n'abolit pas le fameux permis de sortie et les
travailleurs auront toujours besoin de l'autorisation de leur employeur
pour pouvoir quitter le pays".
Environ 1,8 million d'étrangers
travaillent au Qatar, dont un grand nombre provenant du sous-continent
indien. Ils représentent 90% de la population et leur nombre doit
atteindre 2,5 millions d'ici 2020.
La nouvelle réglementation
permettra à un travailleur étranger de demander une autorisation de
sortie du pays au ministère de l'Intérieur. S'il ne l'obtient pas au
bout de trois jours, il aura la possibilité de s'adresser à une
commission de recours.
Il pourra également changer d'employeur à
la fin de son contrat. Selon la loi actuellement en vigueur, il doit
quitter le pays à la fin de son contrat et ne peut y revenir que deux
ans plus tard, à condition que son ancien employeur n'y objecte pas.
- 'Aspects décevants' -
Cette nouvelle réglementation ne va "probablement pas conduire à
une amélioration de la situation" des travailleurs étrangers, a estimé
Bicholas McGeehan de l'ONG Human Rights Watch (HRW).
"L'un des
aspects décevants de la loi est qu'apparemment l'employé aura toujours
besoin de l'accord de son employeur pour quitter le pays", a-t-il
déclaré à l'AFP.
Mustafa Qadri d'Amnesty International a parlé
d'une "occasion perdue". "Nous nous félicitons de (cette) tentative de
réforme mais nous avons besoin de plus" que ça, a-t-il dit.
La
permission de sortie est la clé de voûte du système de la "kafala". Sa
suppression ou son maintien ont fait l'objet de débats animés cet été au
sein du conseil consultatif du Qatar, une assemblée désignée, qui était récalcitrant à l'abandonner.
La
situation des travailleurs étrangers dans l'émirat a attiré l'attention
d'ONG et d'organisations internationales lorsque la Fédération
internationale de football (Fifa) a attribué en 2010, à la surprise
générale, l'organisation de la Coupe du monde 2022 à ce petit pays du
Golfe.
Les autorités, qui avaient promis de réaménager le système
de la "kafala" avant la fin de 2015, ont annoncé en septembre une autre
mesure supposée améliorer les conditions des travailleurs étrangers: le
contrat électronique.
Selon le nouveau système, qui n'est
toutefois pas obligatoire, les ouvriers pourront accéder à un site
internet du gouvernement et, après avoir fourni des informations
personnelles (identité, passeport, numéro de visa), ils seront en mesure
de lire dans leur langue les termes de leur contrat de travail, comme
le montant exact de leur salaire.
Le service sera initialement proposé dans dix langues, dont le népalais et l'ourdou.
Un
tel système permettrait à de nombreux travailleurs de visualiser pour
la première fois ce pourquoi ils ont signé au Qatar, ont expliqué des
responsables, alors que de nombreux contrats sont rédigés seulement en
anglais et en arabe.
Début septembre, les autorités ont également
annoncé leur intention de garantir à temps le paiement des salaires au
moyen de cartes électroniques.
(AFP)
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