jeudi 29 octobre 2015

Le Qatar aménage sa loi sur les travailleurs étrangers, sans convaincre

Le Qatar a aménagé sa loi sur les travailleurs étrangers sans remettre fondamentalement en cause la "kafala", assimilée à de l'esclavage moderne par des organisations de défense des droits de l'Homme et syndicales mobilisées dans la perspective du Mondial 2022.

Ce système de "parrainage" (en arabe) interdit à tout travailleur étranger de quitter le pays sans l'accord de son employeur et le prive de la possibilité de changer d'emploi.
Après la promulgation mardi soir de la nouvelle loi de l'émir du Qatar, cheikh Tamim ben Hamad Al-Thani, des voix se sont élevées pour dire que ces modifications, qui n'entreront en vigueur qu'en 2017, ne changeront en rien la situation des travailleurs sur les nombreux chantiers de ce riche émirat gazier, notamment ceux liés au Mondial-2022 de football.
Pour Sharan Burrow, secrétaire générale de la Confédération syndicale internationale et critique virulente du Qatar, la nouvelle loi n'est qu'un "simulacre". Elle "n'abolit pas le fameux permis de sortie et les travailleurs auront toujours besoin de l'autorisation de leur employeur pour pouvoir quitter le pays".
Environ 1,8 million d'étrangers travaillent au Qatar, dont un grand nombre provenant du sous-continent indien. Ils représentent 90% de la population et leur nombre doit atteindre 2,5 millions d'ici 2020.
La nouvelle réglementation permettra à un travailleur étranger de demander une autorisation de sortie du pays au ministère de l'Intérieur. S'il ne l'obtient pas au bout de trois jours, il aura la possibilité de s'adresser à une commission de recours.
Il pourra également changer d'employeur à la fin de son contrat. Selon la loi actuellement en vigueur, il doit quitter le pays à la fin de son contrat et ne peut y revenir que deux ans plus tard, à condition que son ancien employeur n'y objecte pas.

- 'Aspects décevants' - Cette nouvelle réglementation ne va "probablement pas conduire à une amélioration de la situation" des travailleurs étrangers, a estimé Bicholas McGeehan de l'ONG Human Rights Watch (HRW).
"L'un des aspects décevants de la loi est qu'apparemment l'employé aura toujours besoin de l'accord de son employeur pour quitter le pays", a-t-il déclaré à l'AFP.
Mustafa Qadri d'Amnesty International a parlé d'une "occasion perdue". "Nous nous félicitons de (cette) tentative de réforme mais nous avons besoin de plus" que ça, a-t-il dit.
La permission de sortie est la clé de voûte du système de la "kafala". Sa suppression ou son maintien ont fait l'objet de débats animés cet été au sein du conseil consultatif du Qatar, une assemblée désignée, qui était récalcitrant à l'abandonner.
La situation des travailleurs étrangers dans l'émirat a attiré l'attention d'ONG et d'organisations internationales lorsque la Fédération internationale de football (Fifa) a attribué en 2010, à la surprise générale, l'organisation de la Coupe du monde 2022 à ce petit pays du Golfe.
Les autorités, qui avaient promis de réaménager le système de la "kafala" avant la fin de 2015, ont annoncé en septembre une autre mesure supposée améliorer les conditions des travailleurs étrangers: le contrat électronique.
Selon le nouveau système, qui n'est toutefois pas obligatoire, les ouvriers pourront accéder à un site internet du gouvernement et, après avoir fourni des informations personnelles (identité, passeport, numéro de visa), ils seront en mesure de lire dans leur langue les termes de leur contrat de travail, comme le montant exact de leur salaire.
Le service sera initialement proposé dans dix langues, dont le népalais et l'ourdou.
Un tel système permettrait à de nombreux travailleurs de visualiser pour la première fois ce pourquoi ils ont signé au Qatar, ont expliqué des responsables, alors que de nombreux contrats sont rédigés seulement en anglais et en arabe.
Début septembre, les autorités ont également annoncé leur intention de garantir à temps le paiement des salaires au moyen de cartes électroniques.

(AFP)

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Journaliste spécialisé dans l'actualité sportive, j'ai collaboré, entre autres, à So Foot, Libération, Radio France Internationale. Aujourd'hui, je suis particulièrement les politiques sportives au plan national et dans les collectivités locales pour Localtis.