jeudi 23 mai 2013

Gianni Infantino (UEFA) : "Le football se joue sur le terrain, pas dans les banques"

Bras droit à l’UEFA du président Michel Platini, Gianni Infantino (43 ans), à la fois italien et suisse, est un défricheur. Juriste de formation, il a imaginé le fair-play financier pour "empêcher le football de se casser la gueule". Il va donc tout faire pour que ce grand projet soit réellement appliqué.

– Vous êtes personnellement à l’origine du fair-play financier. Pourquoi avoir créé ce mécanisme ? 
– Si on voulait avoir une belle vie, bien tranquille, on n’aurait rien fait… Mais on aurait vu le football se casser la gueule. Depuis cinq ans, on analyse les comptes de 650 clubs en Europe. Et on est passés de 600 millions à 1,7 milliard d’euros de pertes nettes par an. Sans être Einstein ni prétendre au prix Nobel, on a imaginé, avec les clubs, un système où il ne faut pas dépenser plus que ce que l’on gagne.
– Pourquoi avoir choisi un équilibre entre recettes et dépenses et pas un mécanisme comme celui de la DNCG française, où l’actionnaire peut éponger le déficit ? 
– Des mécènes qui semblaient avoir d’immenses moyens ont déjà disparu du jour au lendemain, laissant leur club en faillite… Avec ce système où l’on ne vit pas au-dessus de ses moyens, on va attirer des gens qui veulent investir dans le foot. Car qui va vouloir venir pour perdre son argent ? Et il y a une tolérance jusqu’à 45 millions de pertes, ce qui n’est quand même pas rien, jusqu’en 2015-2016. Puis cela descend à 30 millions les trois saisons suivantes. Et il ne faut pas oublier que les investissements dans la formation et les infrastructures ne comptent pas dans les dépenses.
– Le PSG ou Manchester City pensent avoir trouvé la parade au fair-play financier en signant des contrats de sponsoring surévalués avec des partenaires sans doute en service commandé. Les dirigeants du Bayern, d’Arsenal ou de Lyon ont dénoncé ce système à plusieurs reprises...
– Les instances indépendantes que nous avons mises en place diront ce qui est normal ou pas. Celle qui mène les investigations est présidée par Jean-Luc Dehaene, l’ex-Premier ministre belge, et celle de jugement par José Narcisco da Cunha Rodrigues, qui était président de chambre à la Cour de justice européenne. Il faudra voir si ces contrats ont été conclus entre des parties liées (ce qui est interdit) et si les montants correspondent au marché. Même si on n’a pas fait le fair-play financier pour punir, mais pour aider les clubs.
– Certains pensent que l’UEFA n’aura jamais le courage de sanctionner des clubs comme le PSG, dont l’actionnaire (QSI) est un fonds du Qatar, un état qui achète très cher ses droits de diffusion… 
– Avec notre système de séparation des pouvoirs et les personnes mises en place, il n’y a aucun risque en la matière. S’il doit y avoir des sanctions, elles seront prises. Les clubs seront sanctionnés, quelle que soit leur puissance. Il n’y aura aucun passe-droit. Les contrats commerciaux que nous signons sont complètement détachés de tout ça. Après, il faudra adapter la nature des sanctions au niveau des fautes commises.
– Le fair-play financier n’est-il pas un frein pour les nouveaux entrants ?
– C’est une critique que l’on nous fait mais elle est infondée. Si on a un système sain, il va attirer les investisseurs. Peut-être qu’il y a deux ou trois milliardaires dans le monde avec des moyens illimités mais il faut penser aux 650 autres clubs. Qui aurait parié sur Dortmund il y a sept ou huit ans, un club qui était au bord de la faillite ? Cette saison, il a gagné face à tous ceux qui ont beaucoup plus d’argent. Heureusement, le football se joue sur le terrain, pas dans les banques.
– Le comité exécutif s’intéresse à l’Euro 2016, organisé en France. Des stades prennent du retard, comme à Lyon. Êtes-vous inquiet ?
– On a l’expérience de la Pologne et de l’Ukraine… On est donc prêts à affronter tous les problèmes. Avec la France, il ne faut pas trop s’inquiéter, même s’il y a, c’est vrai, un ou deux petits soucis dans une ou deux enceintes. Mais il n’est pas possible d’imaginer un Euro en France sans Lyon, par exemple. Je suis donc sûr que cela va bien se passer.

(Source : L'Equipe)

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Journaliste spécialisé dans l'actualité sportive, j'ai collaboré, entre autres, à So Foot, Libération, Radio France Internationale. Aujourd'hui, je suis particulièrement les politiques sportives au plan national et dans les collectivités locales pour Localtis.