mardi 3 septembre 2013

Le Mans, Sedan, Rouen : des rétrogradations à la carte ?

Copyright : JD Lesay
Cet été, trois places fortes du football français ont pris le toboggan avec une logique pas toujours implacable.
Au Mans, le feuilleton n’en finit pas de s’étirer. Avec des rebondissements pas toujours lisibles. Et encore moins prévisibles. Le club peut encore croire en ses chances de disputer le Championnat National. Le tout, avec 14,4 M € de déficit. Une situation peu flatteuse en plein débat sur le fair-play financier. Mais si l’ancien MUC 72 continue d’espérer, c’est grâce au tribunal administratif. Celui-ci a débouté la DNCG la semaine dernière. Le gendarme du foot français l’avait rétrogradé dans un premier temps en DH, avant d’opter finalement pour le CFA. Ne souhaitant intégrer que le National afin de garder son statut pro, les Sarthois ont emprunté toutes les voies possibles pour tenter de sauver leur peau. D’ici à la semaine prochaine, la DNCG va revoir sa copie et décider de maintenir ou non Le Mans en National, lequel a déjà déroulé quatre journées. Mais d’autres recours sont encore envisageables si le verdict dne satisfait toujours pas les Manceaux. « Adopter l’attitude du jusqu’au-boutisme, ce n’est pas bon, constate un membre de la FFF. Avec sa dette, LeMans a crevé tous les plafonds. Je n’avais jamais vu ça avant… Sa situation va rester structurellement déficitaire et il ne pourra pas s’en sortir. Les créanciers commencent à se lasser. Le Mans va se casser la figure, et ça va leur faire mal. »

Une pagaille administrative qui n’est pas forcément bien comprise par le monde du foot. Des supporters aux dirigeants de club. Sedan (4 M € de trou), relégué en CFA2, semble, lui, accepter sans broncher la décision des instances fédérales. « On n’a pas pu se battre davantage. On nous a imposé le CFA2, explique Gilles Dubois, l’un des repreneurs du club ardennais depuis cet été. On n’a pas de regret. Pour Le Mans, ça peut se transformer en effet boomerang. Surtout que le redressement judiciaire (NDLR: prononcé mardi dernier par le tribunal de commerce) implique forcément une future rétrogradation supplémentaire selon les textes de la FFF. » Du côté de Rouen, on ne se montre pas aussi philosophe. Le club normand a été remis en Division d’Honneur par la DNCG fédérale pour un déficit de 1,8 M €. Et même si Thierry Granturco, le président rouennais, disposait d’une solution pour ramener les comptes à l’équilibre, la FFF n’a pas voulu prendre de risques. Le FCR, qui demandait à être réintégré en National et rien d’autre puisque 80% de son sponsoring s’annulait automatiquement s’il descendait en CFA, a donc vu sa requête jugée irrecevable. Mais lorsque les actionnaires du club aperçoivent Le Mans susceptible de repartir en National avec autant de dettes, la pilule a beaucoup de mal à passer. « On n’est pas lésés mais dégoûtés, avoue Thierry Granturco. On a l’impression que nous ne sommes pas payés des efforts faits pour redresser le club. On n’a rien contre LeMans et Sedan, mais ce sont de vraies faillites. On a dit à la FFF que, finalement, il valait mieux tricher et ne pas tout dévoiler. Le signal qu’elle envoie aujourd’hui c’est: “Travaillez dans l’ombre, montrez ce qu’il y a à montrer et vous aurez votre tampon !” La Fédé se tire une balle dans le pied. »
La Fédé justement. Au 87, boulevard de Grenelle, à Paris, on sent bien que ces rétrogradations à géométrie variable en ont irrité plus d’un. Un seul dirigeant a assumé les atermoiements à visage découvert : Bernard Desumer, vice-président délégué du comité exécutif de la FFF. « Le Mans et Sedan ont le statut professionnel. Un club pro est difficile à remettre en DH, donc on le place au plus bas niveau national comme on l’a fait pour Strasbourg (en 2011) et Grenoble (en 2011). Rouen, lui, n’a pas le statut pro. » Une posture parfois bancale que Desumer reconnaît. « Nous avons un critère. Il est discutable. Mais il fallait préserver l’intérêt supérieur du football pour que ce sport soit pratiqué dans une grande ville à un niveau correct. Compte tenu de l’importance du Mans et de Sedan, cela aurait été une sanction de les descendre en DH. » Et pour Rouen ? « À un moment, on se réfère à des critères. » Les autres explications avancées par des responsables de la FFF portent le débat ailleurs. Sur le terrain politique. Un membre de la DNCG suppose ainsi que François Fillon (ancien Premier ministre deNicolas Sarkozy) et Stéphane Le Foll (actuellement ministre de l’Agriculture) auraient joué un rôle dans le maintien du Mans, dont ils sont tous les deux originaires. « Le Mans n’aurait jamais dû être sauvé en 2012 », lance-t-il ainsi. Dans son décryptage politique de ces rétrogradations, le même dirigeant défend la thèse selon laquelle, à Rouen, Valérie Fourneyron (la ministre des Sports et ancien maire de la ville) aurait voulu la tête de Pascal Darmon (ancien président du FCR) et n’aurait pas manifesté un enthousiasme débordant à ce que Thierry Granturco prenne la suite. Une lecture paranoïaque ou distordue des événements ? Ce serait plutôt le ressenti d’autres membres de la DNCG qui, s’ils reconnaissent l’existence de coups de fil passés par des députés ou des maires dans le cadre de ces dossiers, n’ont pas eu le sentiment de subir de véritables pressions.
Reste que la politique même de la maison du football français est soumise à des interrogations. « Les clubs de National nous disent qu’il y a une différence de rigidité entre les DNCG professionnelle et fédérale. On cherche à avoir des clubs avec une situation à l’équilibre, mais on nous dit qu’on est beaucoup plus strict, explique ainsi ce membre du bureau fédéral. Cet été, on a pris la décision d’encadrer la masse salariale de tous les clubs de National. Si Le Mans se maintient, je ne sais pas comment il va faire…» Parmi les personnes interrogées, aucune ne voit Le Mans sortir la tête de l’eau. « Comment vont-ils faire vivre ce club ? Avec quel argent ? Comment vont-ils payer les bus pour les déplacements, la police pour les soirs de match ? » Des questions laissées pour le moment en suspens, en attente du jugement. Mais lorsque l’on saura enfin où jouera Le Mans, il faudra remettre à jour les calendriers. Pas une mince affaire. « La situation pose réellement un problème, estime Pierre Leresteux, président de la commission des Championnats. Aujourd’hui, on ne sait pas où les mettre. Seul le comité exécutif décidera, et plus la décision sera prise rapidement, mieux ce sera. » La DNCG rendra son verdict mercredi.

(Source : France Football)

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Journaliste spécialisé dans l'actualité sportive, j'ai collaboré, entre autres, à So Foot, Libération, Radio France Internationale. Aujourd'hui, je suis particulièrement les politiques sportives au plan national et dans les collectivités locales pour Localtis.