vendredi 7 février 2014

LFP / AS Monaco : les dessous d’une transaction

S’il suscite encore des remous, l’accord financier trouvé le mois dernier avec la Ligue, qui permet à l’ASM de conserver son siège à Monaco, est le résultat de négociations menées en coulisse par des intermédiaires.

LE PROCÈS-VERBAL du conseil d’administration (CA) de la Ligue de football professionnel (LFP) du 23 janvier est formel : les clubs qui participent au Championnat doivent résider en France, «à l’exception de l’AS Monaco FC, dont le siège de direction effective est situé sur le territoire de la Principauté de Monaco». En échange de ce passe-droit, le club monégasque s’engage à verser, une fois pour toutes, 50 M € à la Ligue pour compenser ses avantages fiscaux et sociaux. Mais pour conclure cet «armistice», il a fallu en passer par des tractations souterraines entre les deux camps.
Tout commence le 21mars 2013, avec la décision de la LFP d’obliger tous les clubs à avoir leur siège en France. L’AS Monaco riposte, le 17mai 2013, en engageant un recours devant le Conseil d’État pour «excès de pouvoir». Les deux parties s’ignorent alors pendant des mois, avant d’engager des discussions en novembre dernier. Elles passent par deux intermédiaires, amis dans la vie : Jean-Michel Roussier, ancien président de l’OM (1995-1999), membre du conseil d’administration de la Ligue, et Willy de Bruyn, administrateur de l’ASM, qui officie pour le club et le gouvernement monégasques.
De multiples rencontres ont lieu, mais sans résultat tangible. Monaco propose simplement de s’engager à recruter des joueurs français, sans plus de détails. La Ligue refuse «cette porte ouverte». Entre-temps, Monaco entame une intense action de lobbying. Après un passage à l’UCPF, le syndicat des clubs, le 12 septembre, Vadim Vasilyev, le vice-président de l’ASM, et Willy de Bruyn s’invitent, le 14 novembre, au CA de la LFP.
Aidés d’un document qu’ils font circuler, ils vantent les bienfaits actuels et futurs de la participation de leur club au Championnat de France : «La future renégociation des droits télé domestiques en 2016, les droits internationaux de la L1, l’amélioration de l’indice UEFA, les prêts de joueurs, le remplissage de stades, la venue de nouveaux sponsors et de nouveaux investisseurs.» Avant de rappeler qu’il est de toute façon exclu pour eux «d’obtempérer et de transférer le siège du club en France».
Les membres du CA de la LFP mesurent la détermination de Dimitri Rybolovlev, le milliardaire russe qui possède et préside l’ASM. Dès lors, Frédéric Thiriez, proche du prince Albert, s’implique dans la négociation en informant les autorités françaises de ses démarches. Qui aboutissent, le 8 janvier, à un accord oral entre le président de la LFP et son homologue monégasque. Il ne reste plus qu’à convaincre les dirigeants de club, tenus dans l’ignorance de l’avancée d’un dossier ultrasensible.
«Dans une telle affaire, si vous réunissez tout le monde, il y a forcément des fuites qui vont faire capoter l’accord », estime Thiriez. Le bureau, puis le CA de la LFP valident la transaction. Ce qui n’empêche pas les critiques. «Un compromis fait forcément des insatisfaits, plaide Thiriez. Il y en a du côté des clubs, mais aussi de Monaco. Cela prouve qu’il s’agit d’un bon accord. Moi aussi, j’aurais voulu davantage (d’argent). Mais il ne faut pas oublier que Monaco participe au Championnat de France depuis quatre–vingts ans sans aucune contrepartie financière.»
Reste à savoir si certains peuvent aller au-delà des critiques et attaquer la décision de la Ligue devant les tribunaux. «S’il y a une menace d’annulation de notre décision, les commissaires aux comptes vont nous forcer à mettre les 50 M € de Monaco en provision et on ne pourra donc pas disposer de cet argent, prévient Thiriez. Cela revient donc à se tirer une balle dans le pied. Si des clubs saisissent le Conseil d’État, c’est leur droit. Mais ils devront en assumer la responsabilité.»

(L'Equipe)

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Journaliste spécialisé dans l'actualité sportive, j'ai collaboré, entre autres, à So Foot, Libération, Radio France Internationale. Aujourd'hui, je suis particulièrement les politiques sportives au plan national et dans les collectivités locales pour Localtis.