Des dizaines de ballons flottent dans la lumière dorée du soleil
couchant, sur la plage d'Ipanema. Faute d'espace, la dévorante passion
carioca pour le football s'immisce et se réinvente partout dans la
jungle urbaine de Rio de Janeiro.
Rio s'enorgueillit d'abriter
plusieurs clubs historiques de première division (Flamengo, Botafogo,
Fluminense...) et son mythique stade Maracana, jadis le plus grand du
monde, qui accueillera plusieurs matches du Mondial-2014 dont la finale.
Mais
le béton y a grignoté le moindre espace au milieu des collines
("morros"). Et paradoxalement, le ballon rond manque cruellement
d'espaces plats pour rouler à sa guise dans la "ville merveilleuse".
Très peu de terrains vagues, très peu de vrais terrains de football...
Alors,
comme l'exubérante nature tropicale qui perce par le moindre interstice
de bitume, le football s'est adapté tout en restant fidèle à la culture
brésilienne, sur la plage, les terrains de handball, de basket, les
ruelles des favelas...
Des centaines de personnes tapent tous les
jours du pied dans le ballon sur le sable, sous les auspices du Pain de
Sucre. Beaucoup dans des parties de beach-soccer, discipline née au
Brésil, étendue dans le monde et les années 1990 et 2000, et popularisée
en France par Eric Cantona.
L'équipe du Brésil a d'ailleurs remporté la Copa America en janvier en écrasant le grand rival, l'Argentine, 10-1.
D'autres
joueurs en maillot de bain, ruisselants de sueur, se renvoient la balle
autour d'un filet de volley, de la tête, du pied, de l'épaule ou du
torse, lors de parties spectaculaires. Le ballon ne doit pas toucher le
sable. Seuls les bras et les mains ne peuvent toucher le ballon.
Le
foot-volley a été créé au milieu des années 1960, quand l'ancienne star
du club de Botafogo, Octavio de Moraes, a commencé à y jouer à
Copacabana.
"A cette époque, la police harcelait ceux qui jouaient
au foot sur la plage car ils gênaient les gens allongés sur la plage.
Alors ils ont contourné l'interdiction en jouant sur les terrains de
beach-volley", raconte à l'AFP Marcus Vieira, vainqueur de la Coupe
internationale en Allemagne l'année dernière.
"Ils se sont dit qu'ils allaient tirer le ballon au-dessus du filet et le foot-volley était né".
Certains
grands noms du foot s'y sont essayés, comme Maradona lors d'une
mémorable session à Copacabana, ou le champion du monde 1994 Romario y a
joué de manière très assidue.
Encore globalement amateur, le
foot-volley est parfois retransmis à la télévision, souvent bien placé
juste après les rediffusions des très populaires télénovelas.
Si
les revenus des joueurs n'ont rien à voir avec les sommes engrangées par
les Messi, Neymar et compagnie, "les meilleurs joueurs peuvent en
vivre, avance Marcus Vieira. On n'a pas besoin de beaucoup d'équipement,
même pas d'une plage, seulement de sable".
Ce jour-là, à Ipanema,
s'ébattent l'architecte Tiago (29 ans) et Juninho (19 ans), qui rêve de
devenir footballeur professionnel à l'image de la star Ronaldinho, lui
aussi "excellent en foot-volley".
Les femmes s'y mettent aussi très nombreuses, explique Anna
Borela (22 ans), élève vedette de Marcus Vieira. "J'habite près de la
plage et donc je gravitais autour. J'adore la technique balle au pied.
Je joue tout le temps; je pense que je suis née pour ça".
Son
geste préféré ? "L'attaque du requin", qui consiste à smasher de volée
avec la plante du pied le ballon par-dessus le filet, entre art martial à
la Zlatan Ibrahimovic et mouvement de Capoeira.
Loin de la plage
se dispute un foot à cinq, destiné aux employés d'entreprises mais
aussi aux plus jeunes, sous l'oeil attentif d'un parraineur comme le
Paris SG. Ce sont des matches en salle de 50 minutes dans des
mini-championnats.
"L'idée est de créer de bonnes équipes de
travail en dehors de l'entreprise, explique à l'AFP le responsable
franco-brésilien", Sidney Bovy.
Le concept se rapproche du
futsal, la pépinière du football brésilien, qui a ses entrées à la
télévision et par lequel sont passés plusieurs joueurs de la Seleçao de
foot, comme l'idole Neymar. C'est dans ces salles que le N.10 a affiné
sa technique dans les petits espaces et sa rapidité d'exécution.
De
nombreux Brésiliens s'amusent aussi tout simplement à jongler seul
("baixinhas") ou en groupe et en cercle ("altinho"), parfois jusqu'au
bout de la nuit.
Le soleil se lève sur Ipanema. Les oiseaux de
nuit vont se coucher. Les lève-tôt débarquent avec leurs ballons; et
tout recommence...
(AFP)
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