Le Canada voulait organiser en 2010 des Jeux d'hiver modèles,
durables et peu coûteux, mais quatre ans après, le village olympique de
Vancouver qui devait incarner cette sobriété est synonyme de fiasco
financier et social.
En 2011, après le départ des 2100 athlètes,
Kyle Parker et sa femme Yumi Imano étaient parmi les premiers à
emménager dans leur appartement tout neuf, à un jet de pierre du stade
olympique. L'euphorie des jeux était bien loin et le jeune couple a eu
le sentiment de déménager dans "une ville fantôme".
"Il n'y avait
pratiquement aucun commerce ouvert, c'était tellement calme. On se
demandait si le quartier allait rester endormi", se rappelle M. Parker,
dont l'épouse avait été séduite par "l'architecture moderne" avec des
normes écologiques dernier cri.
Idéalement situé au bord d'une
petite baie, à l'emplacement d'une zone industrielle tombée en désuétude
au coeur du centre-ville de Vancouver, le village olympique et son
millier de logements à vendre ou à louer ne manquaient pas d'arguments
convaincants.
Reste qu'à l'image du nom du quartier, devenu
simplement "The Village", l'héritage olympique "était lourd" à porter,
raconte à l'AFP Bob Rennie, promoteur surnommé le "roi de l'immobilier" à
Vancouver.
Le
désamour du public pour ce quartier est lié au fiasco financier de sa
construction. Rattrapé par la crise des subprimes avant les Jeux, le
promoteur fait faillite. La ville avance un milliard de dollars
--l'équivalent d'une année de budget municipal-- pour un coût total des Jeux de sept milliards de dollars, loin des 50 milliards estimés pour Sotchi.
"Manque
de chance et mauvaise gestion" pour Vancouver, juge le conseiller
municipal Geoff Meggs qui a assisté aux mésaventures du Village
olympique tout en ignorant la facture finale.
"Nous ne sommes pas
encore certains du montant (total des pertes), mais ce qui est sûr c'est
que la ville aura perdu des dizaines de millions de dollars", admet-il.
Jugeant cette situation "inacceptable", l'élu explique que la
municipalité est en partie responsable en ayant imposé au promoteur de
concevoir des appartements luxueux (les plus chers se négocient
actuellement entre 3 et 4,4 millions de dollars), ce qu'il qualifie de
"mauvaise gestion." Vancouver a également fait preuve de "malchance" en
organisant les Jeux alors que "l'ensemble du marché immobilier
s'effondrait" dans la foulée de la crise des subprimes.
Bob Rennie
lui, se frotte les mains: le marché est plus dynamique que jamais en
2014 et il ne reste plus qu'une cinquantaine d'appartements à vendre. Le
"roi de l'immobilier" l'affirme à qui veut l'entendre: ces déboires
n'ont occasionné qu'une "dette minimale" aux contribuables.
Classée
encore en 2014 comme la 2e ville la plus chère au monde, derrière Hong
Kong, Vancouver souffre cruellement de logements abordables.
La
promesse de consacrer, après les Jeux, 20% des logements du village à
l'habitat social avait été saluée de toute part à l'époque.
"Le
village olympique a toujours été présenté comme un bijou pour
Vancouver, ce devait être une nouvelle sorte de logement social, de
logement écologique", se rappelle Mike Klassen, responsable de
l'urbanisme municipal entre 2007 et 2009. Promouvoir des Jeux peu
coûteux, avec un village olympique respectueux du développement durable
et des enjeux sociaux "se vendait bien dans la presse et ça dû aider à
gagner (l'organisation des JO)", déclare-t-il.
Mais in fine, moins d'un appartement sur 10 est un logement social.
Vantant
notamment la garderie intégrée à leur "coop" (un immeuble dont les
loyers sont contrôlés), Kyle Parker et sa femme s'estiment "vraiment
chanceux" de faire partie des rares élus à profiter du quartier sans se
saigner financièrement.
Sans minimiser la mauvaise gestion du
Village, Geoff Meggs s'interroge sur le "contraste" entre les JO de
Vancouver et de Sotchi. "Nous, nous respections les droits civiques",
souligne-t-il en dénonçant la discrimination des homosexuels par les
autorités de Moscou.
(AFP)
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