mercredi 5 mars 2014

Sports et municipales : "Le sport, ça ne se discute pas, ça va de soi"

Sociologue, fondateur du Mouvement critique du sport, Michel Caillat estime que le débat sur le sport dans les campagnes électorales, municipales en particulier, est bloqué par une forme  d'autocensure de la part de politiques qui n'osent pas toucher au "sacré".
Comment jugez-vous la place du sport, des programmes sportifs, dans la  campagne des municipales ?
Il y a un consensus absolu, total. Lorsque vous regardez les programmes, il y a peu de différences. Déjà, on ne définit pas le mot sport, c'est un fourre-tout où l'on met le sport de haut niveau, le sport pour tous... c'est le remède à tous les maux, un facteur d'intégration, une formidable école de vie, etc... Tout est sport. Le sport, c'est la doxa, c'est bon, c'est pur. Il y a d'autant moins de débat qu'il y a un rouleau compresseur des résultats, des commentaires et de l'émotion. 
Est-il donc caricatural d'opposer droite et gauche sur la défense du sport de haut niveau ou du sport de masse ?
Non, en théorie, c'est la petite différence. Mais c'est marginal. Dans certaines villes, les municipalités sont soumises à l'ordre sportif. A Marseille, quel candidat va proposer de revenir sur le soutien à l'OM ? Delanoë a toujours soutenu le PSG, Collomb l'OL... Quand M6 a voulu se désengager de Bordeaux, c'est Juppé qui est intervenu. Le club est une telle vitrine de la ville... A Orléans, le projet d'Arena n'a pas fait l'objet du moindre débat, d'un clivage droite gauche. La gauche a réclamé une "Arena pour tous". Que l'on m'explique ce que cela veut dire. C'est une hérésie ! Dans les petites villes, il n'y a que ça : le club, le stade. Même si cette ville change de couleur, le soutien au gros club local sera pérennisé, souvent même au détriment des plus petits.
Le sport est pourtant un élément majeur du fonctionnement des villes, sur le plan budgétaire (5% contre moins d'1% de celui de l'Etat) et de l'image...
Le sport est très présent dans les villes et très peu dans les programmes. Il va de soi. Il ne se discute pas. Il y a eu quantité de rapports accablants sur les subventions, les constructions et rénovations d'équipements sportifs et le gaspillage des ressources publiques. Aujourd'hui, se pose en outre le problème des PPP (partenariat public-privé) qui font payer aux villes une facture alourdie pour des stades réservés à des clubs professionnels. Selon la Cour des comptes, dans leurs relations avec les clubs, les villes détournent les règles en donnant notamment de l'argent à des clubs pros. 
Le programme de rénovation/construction de grands stades dans lequel s'est lancé la France en vue, notamment, d'accueillir l'Euro-2016, grève encore les finances publiques.
Les milliards investis pour les stades de l'Euro ne sont quasiment remis en cause par personne. A l'époque, le maire de Nantes avait déclaré, en renonçant à postuler à l'accueil de matches : "Les exigences de l'UEFA sont inacceptables, on ne peut pas les satisfaire. L'UEFA est dans la démesure complète." Ce qui était valable pour Jean-Marc Ayrault à l'époque ne l'est donc plus aujourd'hui au niveau français. Est ce que c'est prioritaire, lorsque l'on voit l'état des gymnases de quartier, de financer toutes ces rénovations pour des clubs pros ? Faut-il favoriser l'activité physique pour tous ou les élans de chauvinisme des supporteurs dans les tribunes ? Il y a des questionnements, mais marginaux. Même les militants des partis progressistes ne considèrent pas le sport comme un sujet. Tout ce qui est populaire est sacré, donc ne se discute pas.

(AFP)

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Journaliste spécialisé dans l'actualité sportive, j'ai collaboré, entre autres, à So Foot, Libération, Radio France Internationale. Aujourd'hui, je suis particulièrement les politiques sportives au plan national et dans les collectivités locales pour Localtis.