Cercle de jeux, écoutes téléphoniques, perquisitions, nuit en garde à
vue: ce n'est pas l'accroche d'un polar mais les ingrédients de
l'affaire du Nîmes Olympique, club au centre des soupçons de matchs
truqués en deuxième division la saison passée.
Sept personnes
restaient mercredi soir placées en garde à vue, a priori jusqu'à jeudi
matin: le principal actionnaire de Nîmes Serge Kasparian, son fils, le
président du club gardois Jean-Marc Conrad; le président du Stade
Malherbe de Caen Jean-François Fortin et un salarié de son club; et deux
intermédiaires potentiels, dont Michel Moulin, ancien dirigeant du
Paris SG et du Mans.
L'entraîneur de Dijon Olivier Dall'Oglio, a,
lui, été laissé libre dans la soirée sans qu'aucune charge ne soit
retenue contre lui.
- 'Crocodiles' en eaux troubles -
Le réveil a dû être douloureux pour les gardés à vue. Mercredi
Jean-François Fortin et son directeur de la sécurité, Pilou Mokeddel,
ont quitté les locaux de la police judiciaire de Caen vers 9h30.
Direction Nanterre, pour la poursuite de leur garde à vue.
Caen,
en Ligue 2 la saison passée avant d'accéder à la Ligue 1, est un des
clubs qui auraient été approchés par le Nîmes Olympique pour arranger
des matchs, ou tenter de les arranger. Les plus hautes instances du foot
français, la Ligue (LFP) et la fédération (FFF), se sont d'ailleurs
constituées partie civile mercredi, a-t-on appris de source proche du
dossier.
Les enquêteurs cherchent à savoir si l'actionnaire
principal des "Crocodiles" nîmois, Serge Kasparian, écroué à l'origine
dans l'affaire du cercle de jeux parisien Cadet, a "exercé des pressions
et proposé des arrangements" à d'autres clubs. Le but? Que Nîmes, dans
le capital duquel Kasparian entrait à l'époque, reste en deuxième
division.
Parmi les matches suspects, il y a Caen-Nîmes le 13 mai
(match en retard de la 28e journée de L2). Le résultat (1-1) avait fait
les affaires des deux clubs, Caen montant ensuite en L1 tandis que Nîmes
assurait son maintien.
Outre les clubs de Nîmes (L2) et Caen, des
perquisitions ont également eu lieu mardi à Dijon (L2). Le nom d'Angers
(L2) a en revanche été cité à tort, ont précisé des sources proches de
l'enquête. Il y aurait eu confusion entre les noms de Stéphane Moulin
(entraîneur du SCO d'Angers) et Michel Moulin. Ce dernier, proche de
Conrad et de Dall'Oglio, est soupçonné d'avoir servi d'intermédiaire
entre les deux hommes, selon une source proche du dossier.
- 'Arranger un match, toujours compliqué' -
En enquêtant sur Kasparian et sur le cercle Cadet, les enquêteurs
du Service central des courses et jeux (SCCJ) ont acquis la conviction
que des matches avaient "été truqués" lors de la dernière saison. Entre
les mains des juges parisiens Serge Tournaire et Hervé Robert, il y a
notamment des écoutes téléphoniques, confirmées à l'AFP de source
policière, et dont le Canard Enchaîné publie des retranscriptions.
Le
jour du fameux match entre Caen et Nîmes, les deux présidents se sont
téléphonés, selon l'hebdomadaire. Question de Fortin: "Toi c'est un
point aussi (qu'il te faut ?)." Réponse de Conrad: "Ouais, il nous faut
un point, voilà." Et Fortin de poursuivre: "Ben, si on n'est pas trop
cons, hein ?" Selon le Canard, après le match, le président de Nîmes
"fait déposer à la porte du vestiaire caennais 24 cartons de 12
bouteilles de vin".
M. Fortin, "abasourdi", "est dans une volonté
farouche de démontrer son innocence", a dit sur France 3 son avocat, Me
Xavier Morice.
Le Canard Enchaîné publie également des extraits
d'écoutes concernant d'autres matches de Nîmes, contre le CA Bastia et
Dijon. Le CA Bastia a démenti avoir été approché pour une quelconque
tricherie, évoquant juste un dîner d'usage entre adversaires.
Les
écoutes mentionnées entre Nîmes et Dijon sont plus troublantes,
Kasparian lançant à son fils (qui a d'ailleurs été placé en garde à
vue), troisième gardien chez les "Crocos": "C'est sûr, ils lâchent le
match. Enfin, ils le lâchent gentiment, je veux dire."
La veille
du match, Michel Moulin, qui a pris "contact" avec l'entraîneur
dijonnais, confie: "J'ai fait passer le message, ils vont pas jouer le
match de leur vie. Par contre, arranger un match, c'est toujours
compliqué." Mais Nîmes s'incline 5-1.
Commentaire de Kasparian,
toujours selon l'hebdo: "Franchement, on avait tout préparé pour qu'ils
jouent tranquille. Mais bon, à un moment donné, ils étaient tout seuls
face au gardien. Il fallait bien qu'ils marquent !"
(AFP)
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