jeudi 20 novembre 2014

Matches truqués présumés: le foot français en plein polar

Cercle de jeux, écoutes téléphoniques, perquisitions, nuit en garde à vue: ce n'est pas l'accroche d'un polar mais les ingrédients de l'affaire du Nîmes Olympique, club au centre des soupçons de matchs truqués en deuxième division la saison passée.

Sept personnes restaient mercredi soir placées en garde à vue, a priori jusqu'à jeudi matin: le principal actionnaire de Nîmes Serge Kasparian, son fils, le président du club gardois Jean-Marc Conrad; le président du Stade Malherbe de Caen Jean-François Fortin et un salarié de son club; et deux intermédiaires potentiels, dont Michel Moulin, ancien dirigeant du Paris SG et du Mans.
L'entraîneur de Dijon Olivier Dall'Oglio, a, lui, été laissé libre dans la soirée sans qu'aucune charge ne soit retenue contre lui.

- 'Crocodiles' en eaux troubles - Le réveil a dû être douloureux pour les gardés à vue. Mercredi Jean-François Fortin et son directeur de la sécurité, Pilou Mokeddel, ont quitté les locaux de la police judiciaire de Caen vers 9h30. Direction Nanterre, pour la poursuite de leur garde à vue.
Caen, en Ligue 2 la saison passée avant d'accéder à la Ligue 1, est un des clubs qui auraient été approchés par le Nîmes Olympique pour arranger des matchs, ou tenter de les arranger. Les plus hautes instances du foot français, la Ligue (LFP) et la fédération (FFF), se sont d'ailleurs constituées partie civile mercredi, a-t-on appris de source proche du dossier.
Les enquêteurs cherchent à savoir si l'actionnaire principal des "Crocodiles" nîmois, Serge Kasparian, écroué à l'origine dans l'affaire du cercle de jeux parisien Cadet, a "exercé des pressions et proposé des arrangements" à d'autres clubs. Le but? Que Nîmes, dans le capital duquel Kasparian entrait à l'époque, reste en deuxième division.
Parmi les matches suspects, il y a Caen-Nîmes le 13 mai (match en retard de la 28e journée de L2). Le résultat (1-1) avait fait les affaires des deux clubs, Caen montant ensuite en L1 tandis que Nîmes assurait son maintien.
Outre les clubs de Nîmes (L2) et Caen, des perquisitions ont également eu lieu mardi à Dijon (L2). Le nom d'Angers (L2) a en revanche été cité à tort, ont précisé des sources proches de l'enquête. Il y aurait eu confusion entre les noms de Stéphane Moulin (entraîneur du SCO d'Angers) et Michel Moulin. Ce dernier, proche de Conrad et de Dall'Oglio, est soupçonné d'avoir servi d'intermédiaire entre les deux hommes, selon une source proche du dossier.

- 'Arranger un match, toujours compliqué' - En enquêtant sur Kasparian et sur le cercle Cadet, les enquêteurs du Service central des courses et jeux (SCCJ) ont acquis la conviction que des matches avaient "été truqués" lors de la dernière saison. Entre les mains des juges parisiens Serge Tournaire et Hervé Robert, il y a notamment des écoutes téléphoniques, confirmées à l'AFP de source policière, et dont le Canard Enchaîné publie des retranscriptions.
Le jour du fameux match entre Caen et Nîmes, les deux présidents se sont téléphonés, selon l'hebdomadaire. Question de Fortin: "Toi c'est un point aussi (qu'il te faut ?)." Réponse de Conrad: "Ouais, il nous faut un point, voilà." Et Fortin de poursuivre: "Ben, si on n'est pas trop cons, hein ?" Selon le Canard, après le match, le président de Nîmes "fait déposer à la porte du vestiaire caennais 24 cartons de 12 bouteilles de vin".
M. Fortin, "abasourdi", "est dans une volonté farouche de démontrer son innocence", a dit sur France 3 son avocat, Me Xavier Morice.
Le Canard Enchaîné publie également des extraits d'écoutes concernant d'autres matches de Nîmes, contre le CA Bastia et Dijon. Le CA Bastia a démenti avoir été approché pour une quelconque tricherie, évoquant juste un dîner d'usage entre adversaires.
Les écoutes mentionnées entre Nîmes et Dijon sont plus troublantes, Kasparian lançant à son fils (qui a d'ailleurs été placé en garde à vue), troisième gardien chez les "Crocos": "C'est sûr, ils lâchent le match. Enfin, ils le lâchent gentiment, je veux dire."
La veille du match, Michel Moulin, qui a pris "contact" avec l'entraîneur dijonnais, confie: "J'ai fait passer le message, ils vont pas jouer le match de leur vie. Par contre, arranger un match, c'est toujours compliqué." Mais Nîmes s'incline 5-1.
Commentaire de Kasparian, toujours selon l'hebdo: "Franchement, on avait tout préparé pour qu'ils jouent tranquille. Mais bon, à un moment donné, ils étaient tout seuls face au gardien. Il fallait bien qu'ils marquent !"

(AFP)

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Journaliste spécialisé dans l'actualité sportive, j'ai collaboré, entre autres, à So Foot, Libération, Radio France Internationale. Aujourd'hui, je suis particulièrement les politiques sportives au plan national et dans les collectivités locales pour Localtis.