Après des années de croissance exponentielle, l'économie de l'élite
du rugby est à un tournant: alors que leurs revenus stagnent et que
leurs pertes se creusent, les clubs doivent trouver un nouvel équilibre.
Sur
la saison 2012-2013, la dernière à avoir été analysée par la DNACG de
la Ligue nationale de rugby (LNR), les clubs du Top 14 ont accusé une
perte d'exploitation d'environ 22 millions d'euros pour un chiffre
d'affaires stable (+0,73%) à 243 millions.
S'il est "assez logique
que le Top 14 marque une pause" en terme de revenus après "une
croissance à deux chiffres sur les dix années précédentes", le "point de
friction" est la perte cumulée des clubs de l'élite qui a explosé
depuis la fin de la dernière décennie et campe depuis 2009-2010
au-dessus de la barre des 20 millions d'euros, s'inquiète l'économiste
du sport Frédéric Bolotny.
"Cela montre que le spectacle à lui
seul n'arrive pas à générer les entrées dont il aurait besoin", alors
que les salaires des joueurs ont très fortement progressé, avant de se
stabiliser ces dernières années grâce au salary cap, juge-t-il.
-'Le fossé se creuse'-
Résultat de ces pertes, une dichotomie s'est mise en place dans
le Top 14 entre les clubs les plus riches (Toulouse, Toulon,
Montpellier, Clermont, Stade Français, Racing-Métro), qui accusent les
plus fortes pertes mais ont pour la plupart un actionnaire de référence
derrière pour remettre au pot, et les autres, condamnés à jouer la
prudence pour assurer leur pérennité dans l'élite.
"On est dans un
système où le fossé se creuse", ce qui présente un risque, selon
Frédéric Bolotny, car "si un jour les actionnaires décidaient de ne pas
compenser par des augmentations de capital, ce serait une vraie
fragilité" pour les clubs.
Un risque qui pourrait peser par exemple sur le Stade Français, alors que les soeurs du président Thomas Savare sont montées au créneau fin septembre, via leur avocat
dans les colonnes de L'Equipe, pour dénoncer des "augmentations de
capital récurrentes" et un investissement devenu une "gabegie" sur les
fonds du groupe familial Oberthur.
"Mais ce n'est pas que du mécénat. Lorenzetti par exemple est un entrepreneur", nuance Frédéric Bolotny.
Le
propriétaire du Racing compte bien en effet changer la dimension
économique de son club en abandonnant le stade Yves-du-Manoir à Colombes
fin 2016 au profit de l'Arena 92, enceinte pouvant accueillir jusqu'à
40.000 spectateurs et située à quelques encablures de La Défense, siège
d'une grande parties des groupes du CAC 40. Du pain bénit en terme
d'accueil de VIP.
- Les stades au centre de l'équation -
Neuvième budget du Top 14, Castres, qui souffre d'un bassin
économique restreint et de sa trop grande dépendance aux Laboratoires
Pierre Fabre, a débloqué pour sa part 3,7 millions d'euros pour rénover
son stade et le doter de loges afin d'accueillir de nouveaux
partenaires.
L'UBB récupérera de son côté le stade Chaban-Delmas
en 2015-2016 après le déménagement des Girondins dans leur nouvelle
enceinte de Bordeaux-Lac. Même si la jauge actuelle de 34.000 places
sera probablement réduite à 25.000, la différence en terme de
billetterie sera énorme par rapport au vétuste André-Moga (9000 places).
Alors
que la croissance des budgets sponsors commence à être en phase de
stagnation et que peu de clubs, à part Toulouse ou Toulon, peuvent
compter sur un développement réel du merchandising, la variable
d'ajustement principale pourrait être celle des salaires, qui
représentent 60% des recettes.
"Il faudrait peut-être endiguer le
risque de se mettre en surchauffe de manière artificielle, ce qui peut
être dangereux à terme" et "ne se justifie pas étant donné la
compétitivité des clubs au niveau européen voire mondial", plaide M.
Bolotny. N'en déplaise à Toulon qui prône un aménagement du salary cap
pour éviter que les plus grandes vedettes ne partent en Angleterre ou au
Japon.
(AFP)
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