jeudi 1 octobre 2015

La violence dans les stades bloque le dialogue avec les supporteurs

Certains parleront d'un texte opportuniste… Deux jours après les incidents qui ont perturbé la rencontre de Ligue 1 entre l'Olympique de Marseille et l'Olympique Lyonnais du 20 septembre dernier, le député de l'Yonne Guillaume Larrivé a dégainé une proposition de loi "anti-hooligans". Le but de cette PPL ? Renforcer le dispositif législatif pour permettre aux clubs d'assurer concrètement toutes leurs responsabilités et en particulier l'interdiction d'accès au stade des "indésirables".
L'article premier de la PPL dispose ainsi que "aux fins d'assurer la sécurité́ des manifestations sportives, les organisateurs de ces manifestations à but lucratif peuvent refuser ou annuler la délivrance de titres d'accès à ces manifestations, ou en refuser l'accès aux personnes qui, en raison de leur comportement, ont porté atteinte ou sont susceptibles de porter atteinte à la sécurité́ des personnes ou des biens ou aux dispositions prises par les organisateurs pour assurer le bon déroulement de ces manifestations". Et pour savoir qui est "susceptible" de porter atteinte à la sécurité́, le texte ajoute que "les organisateurs de ces manifestations sont autorisés à établir un fichier de données pertinentes relatives à ces personnes, et à les conserver pendant une durée maximale de trois ans".

Le Conseil d'Etat a déjà tranché

Cette proposition de loi a-t-elle une chance de voir le jour ? Le sociologue Nicolas Hourcade, enseignant à Centrale Lyon et spécialiste du supportérisme, en doute. En effet, ironie du calendrier, le Conseil d'Etat a rendu le 21 septembre une décision interdisant la transmission aux clubs des informations contenues dans le fichier Stade instauré par un arrêté du ministre de l'Intérieur du 15 avril 2015. "Le Conseil d'Etat a tranché de façon très claire en interdisant cette transmission, explique Nicolas Hourcade. Les clubs peuvent savoir qui est interdit de stade mais n'ont pas à connaître la manière dont les services de renseignements fichent les spectateurs." En pratique, on imagine mal les clubs, si toutefois la loi les y autorisait, collecter eux-mêmes des informations "pertinentes" relatives à des personnes ayant porté atteinte ou étant susceptibles de porter atteinte à la sécurité́ des personnes ou des biens. De là à dire que la PPL Larrivé a vécu, il n'y a qu'un pas…
Reste que les incidents du match OM-OL ont relancé le débat sur la gestion des tribunes. Le Sénat a ainsi ressorti des tiroirs ses travaux sur la question datant de 2007, où il était question d'un "subtil panachage de prévention et de répression", selon Michel Savin, président du groupe d'études sur les pratiques sportives, interrogé le 23 septembre sur le site de la Haute Assemblée. Mais le sénateur de l'Isère prône également des "sanctions beaucoup plus lourdes", pas seulement en direction des fauteurs de troubles, mais aussi en direction des clubs. Et le cas marseillais est particulièrement visé. "La loi actuelle permet d'éviter ce type d'incidents, plaide Nicolas Hourcade. Mais sur le match Marseille-Lyon, il y a manifestement eu des défaillances incroyables de l'organisateur. Il existe un dispositif de sécurité prévu à l'entrée du stade et les bouteilles en verre ne doivent pas passer. Il y a une spécificité marseillaise dans les relations entre le club et ses supporteurs. D’ailleurs, Frédéric Thiriez, le président de la Ligue de football professionnel, a insisté sur la nécessité d’aider le club à gérer cette spécificité. Et à part le député Guillaume Larrivé, personne n'a estimé nécessaire de renforcer une loi qui permet déjà d'avoir une action répressive forte."

Recherche dialogue désespérément

La répression ne peut toutefois être la réponse unique à un problème récurrent depuis plus de trente ans en France. Du côté des supporteurs, on attend toujours d'être intronisés officiellement dans le monde du football. En 2007, le Sénat préconisait déjà le "renforcement du dialogue avec l’ensemble des associations de supporteurs". En 2010, le Livre vert du supportérisme, commandé par le ministère des Sports (lire ci-contre notre article du 25 octobre 2010) proposait notamment que les collectivités territoriales puissent "faire office de médiateur dans les relations entre le club et ses associations de supporteurs". Enfin, en 2014, la commission Glavany pour un football durable, mise en place par Valérie Fourneyron (lire ci-contre notre article du 29 janvier 2014), invitait à associer les supporteurs à la vie des clubs. "Il y a une continuité entre tous ces travaux, qui souhaitent concilier une répression ferme sur les comportements graves tout en désamorçant un ensemble de tensions existant autour des stades par le renforcement de l'intégration des supporteurs dans le monde du football", pointe Nicolas Hourcade.
Si ces propositions n'ont jamais été suivies d'effet, les choses pourraient évoluer dans les mois à venir. Le secrétaire d'Etat aux Sports, Thierry Braillard, va lancer le 2 octobre une "grande conférence" sur le sport professionnel. A quelques mois de l'Euro 2016 en France, le moment serait bien choisi pour ouvrir officiellement le dialogue entre tous les acteurs du football-spectacle.
(Localtis)

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Journaliste spécialisé dans l'actualité sportive, j'ai collaboré, entre autres, à So Foot, Libération, Radio France Internationale. Aujourd'hui, je suis particulièrement les politiques sportives au plan national et dans les collectivités locales pour Localtis.